Arrivée prochaine d’une mission du Fonds Monétaire International en Haïti : le gouvernement haïtien entre l’enclume et le marteau

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Une mission composée d’experts du Fonds Monétaire International sera en Haïti au cours du mois de septembre 2001 pour évaluer la situation économique et financière du pays, a annoncé la semaine passée le ministre de l’Economie et des Finances, M Gustave Faubert. La situation financière du pays s’est dégradée considérablement durant l’exercice fiscal en cours en raison de la crise politique résultant des contestations provoquées par les dernières élections législatives du 21 mai 2000. Le ralentissement des activités économiques qui a donné lieu à la fermeture de certaines entreprises, a limité considérablement la capacité du gouvernement à collecter les recettes fiscales. A noter que le gouvernement avait prévu, dans son programme financier, des recettes publiques de l’ordre de 8 milliards de gourdes, un montant qu’il ne sera pas possible d’atteindre à la fin du de septembre 2001, le dernier mois de l’exercice fiscal. Parallèlement, les dépenses publiques ont été maintenues à un niveau assez élevé tout au cours de l’exercice, ce qui a conduit à un élargissement du déficit budgétaire. Privé du support financier international en raison de la crise politique, les autorités fiscales ont dû faire appel de manière assez fréquente à la banque centrale pour financer le déficit budgétaire qui a déjà franchi la barre de 2 milliards de gourdes au 30 juin 2001. Les autorités monétaires ont eu à avancer 1 milliard 828 millions de gourdes au Trésor Public pour le financement du déficit. Il convient de préciser que le programme financier du gouvernement prévoyait un déficit de près de 1 milliard 300 millions de gourdes sur l’ensemble de l’exercice fiscal et la banque centrale devait octroyer un financement de l’ordre de 750 millions de gourdes. Le dérapage observé au niveau des finances publiques au cours de l’exercice fiscal, a grandement contribué à la dépréciation de la gourde haïtienne par rapport au dollar US ainsi qu’à l’émergence des pressions inflationnistes. Le dollar a même franchi la barre de 26 gourdes à la vente durant le mois d’août tandis que le taux d’inflation, calculé en rythme annuel, est resté à un niveau supérieur à 15 % au cours du mois de juillet 2001. Il n’est pas difficile de prévoir ce que les experts du Fonds Monétaire International vont recommander aux autorités haïtiennes en analysant le niveau des déficits publics. En fait, il sera demandé au gouvernement de rétablir, en tout premier lieu, l’équilibre budgétaire en augmentant les recettes publiques et en diminuant en même temps les dépenses de l’Etat. Ceci contribuerait à une diminution de la demande de monnaie du côté du gouvernement à travers le crédit à l’Etat. Le renforcement de la politique monétaire restrictive pour assurer un meilleur contrôle de la masse monétaire, pourrait donner lieu à une augmentation des taux d’intérêt et décourager ainsi les investissements dans l’économie haïtienne. L’application de telles politiques à travers un programme de stabilisation financière viserait à réduire les déséquilibres publics et à atténuer les pressions tant sur le marché des changes que sur les différents marchés de biens et services. Il importe de souligner que le respect des engagements avec le FMI ne garantirait pas le décaissement de capitaux du côté des bailleurs de fonds tant multilatéraux que bilatéraux du fait que la communauté internationale conditionne la reprise de l’assistance externe à la mise en place d’un accord politique entre les principaux protagonistes de la crise politique. L’adoption d’une politique de stabilisation financière par le gouvernement haïtien sans la reprise de l’assistance externe par les principaux bailleurs de fonds multilatéraux (FMI, Banque Mondiale et Banque Interaméricaine de Développement) et bilatéraux (Etats-Unis, Canada et Union Européenne) à travers les programmes d’accompagnement, conduirait à une contraction de l’économie haïtienne. Ceci alimenterait les tensions sociales et aggraverait ainsi la crise politique. Il convient de souligner d’autre part que le maintien des déséquilibres publics par le gouvernement au cas où les recommendations du FMI ne sont pas respectées, renforcerait la situation de «stagflation» dans l’économie haïtienne, ce qui signifie une contraction continue du Produit Intérieur Brut avec de fortes pressions inflationnistes. Les autorités haïtiennes se retrouveront ainsi dans une position très délicate après la visite des experts du FMI au cas où un accord politique ne serait atteint entre les principaux acteurs de la crise politique avant la fin de l’année. Kesner Pharel – Economiste – Radio Métropole – kfpharel@hotmail.com

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