
Le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Refugiés (GARR) se dit consterné de la façon dont la démolition des maisons se poursuit au centre-ville, précisément dans la périphérie des rues de Champs de Mars, la Réunion et de l’Enterrement, sous le regard impuissant des familles victimes. Tout en sachant que le gouvernement est en plein droit de recourir à l’expropriation quand la nécessité l’exige, le GARR condamne ces opérations teintées de violations de droits humains, car la Législation haïtienne indique les procédures à suivre pour que la déclaration d’utilité publique soit effective. Lors d’une visite, ce 7 juin, à la rue de la Réunion, l’organisme de défense des droits humains souligne le désespoir et frustrations qu’on peut lire sur le visage de chaque femme, chaque enfant rencontrés. L’air distrait, ils regardent les emplacements de ce qui furent autrefois leurs maisons. Entre temps, des jeunes hommes munis de marteaux et de burins s’acharnent à détruire, sans la moindre attention aux passants. D’autres s’empressent à extraire des masses de béton du fer devant leur permettre de gagner un peu d’argent. « Ils ne sont pas du quartier. Ils sont payés par le gouvernement pour détruire nos maisons. Nous prenons note de la façon dont des agents du Ministère des Travaux Publics, Transport et Communication (MTPTC), de la Mairie de Port-au-Prince, des unités de la Police Nationale d’Haïti (PNH), s’accordent avec des bandits pour nous expulser de nos quartiers », s’insurge une dame qui dit habiter la zone depuis une vingtaine d’années avec ses quatre enfants. Les juristes et urbanistes consultés à cet effet, soulignent que ces opérations de démolition initiées depuis le 31 mai 2014, présentent de graves irrégularités. Le processus d’expropriation n’a pas abouti puisque tous les concernés – pour des raisons multiples -, n’ont pas reçu leur indemnité. Or, la législation haïtienne fait mention d’une juste et préalable indemnité. Selon les informations officielles, un certain nombre de citoyens qui avaient déjà déposé leurs titres de propriété auraient reçu leur dédommagement. Mais comment les autorités vont-elles procéder pour indemniser les propriétaires dont les maisons n’ont pas été évaluées alors qu’elles sont déjà détruites, s’interroge GARR. Les victimes déclarent avoir fait depuis plusieurs mois le dépôt de leurs titres de propriété, pourtant elles n’ont été ni contactées ni averties de la démolition, rapporte GARR. L’organisme estime que les familles qui ne sont pas en mesure de soumettre leurs titres de propriété ne devraient pas être écartées de manière précipitée. Se basant sur la réalité du cadastre national et la complexité des modes d’accès aux titres de propriétés, il croit qu’il serait préférable de prioriser d’abord des mécanismes de régularisation des titres de propriété avant de procéder au déguerpissement. En agissant de façon contraire à cette démarche, le gouvernement ne fait que jouir de son incapacité et de sa négligence à identifier les parcelles qui n’ont pas été enregistrées dans les registres de l’Etat. Or, en absence de contestation, toute personne qui a plus de vingt ans sur un espace à titre de propriétaire peut acquérir la propriété par prescription. De plus, l’Etat, en tant que détenteur des obligations, ne peut décider de déguerpir des familles sans les orienter. N’est-il pas de sa responsabilité de leur offrir un endroit décent pour se loger ? Le GARR croit que c’est l’occasion favorable pour les autorités haïtiennes de guider ces familles dans des espaces planifiés au lieu de les encourager à aller grossir les quartiers périphériques dépourvus d’infrastructures et de services nécessaires. Il estime que le projet de réaménagement du Centre-ville pour construire la «Cité administrative » qui n’offre pas d’autres possibilités de logements aux résidents de cette zone, renforcera le problème de logement dans le pays. Il revient aux autorités haïtiennes d’intégrer ce projet dans un plan d’aménagement global du territoire. Ce sera alors une opportunité de poser les bases de la politique nationale du logement et de l’Habitat lancée par le chef du gouvernement, Laurent Salvador Lamothe, en octobre 2013. Ainsi, l’Etat haïtien évitera de jouer le rôle de pompier face à l’émergence des quartiers sans planification et anticipera sur l’expansion des villes intégrées dans des plans d’urbanisme adaptés à la réalité haïtienne. MJ/Radio Métropole