Les rebelles haïtiens retardent l’assaut de Port-au-Prince

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PORT-AU-PRINCE, Haïti (AP) – Le chef des rebelles haïtiens Guy Philippe retient l’assaut sur Port-au-Prince. Affirmant céder aux appels de Washington, Guy Philippe a annoncé samedi que ses forces attendraient « un ou deux jours » avant d’attaquer la capitale, déjà en proie aux violences et pillages. Retranché à Port-au-Prince, le président Jean-Bertrand Aristide reste lui sur ses positions, assurant qu’il est « hors de question » qu’il quitte le pouvoir, comme le réclame l’opposition et comme l’ont suggéré avec insistance ces derniers jours la France, les Etats-Unis et le Canada. Comme Aristide leur avait demandé la veille, ses partisans avaient levé samedi en fin de matinée les barrages routiers installés dans la capitale, mais les magasins restaient fermés dans la ville terrorisée. Et les pillages se poursuivaient samedi dans le port où environ 500 conteneurs d’aide américaine ont été attaqués. Depuis vendredi, au moins six personnes ont été tuées dans des attaques des fidèles du président, les « chimères », qui s’en sont pris aux passants, ont incendié des barricades, volé les voitures aux barrages routiers et attaqué l’unique hôpital opérationnel de la ville, le Canapé Vert, dans le quartier de Petionville. D’après les radios, ils cherchaient des adversaires de Jean-Bertrand Aristide. Le cadavre d’un homme tué d’une balle dans la tête, gisait samedi les mains liées dans le dos, près du centre hospitalier. Deux autres hommes apparemment victimes d’exécutions sommaires avaient été retrouvés la veille près du Palais national, siège de la présidence. Tôt samedi matin, un chauffeur de l’ambassade américaine et un autre de l’ambassade de France ont été dépouillés par des fidèles d’Aristide, ont rapporté des témoins. Le chauffeur de l’ambassade de France a également été roué de coups. Les attaques contre les membres ou employés de la communauté internationale se sont accrues ces derniers jours après que le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin puis son homologue américain le secrétaire d’Etat Colin Powell eurent lâché Aristide appelant le président à tirer les conséquences d’une situation dont il porte « une lourde responsabilité », selon Paris. D’après un haut responsable américain, l’administration de George W. Bush considère que la meilleure façon d’empêcher les rebelles de prendre le contrôle du pays est qu’Aristide transfère le pouvoir au président de la cour suprême Boniface Alexandre, son successeur prévu par la constitution. Vendredi soir, l’ambassade américaine avait exhorté le président Aristide à tenir ses partisans. « Le gouvernement américain est découragé de devoir signaler que les groupes pro-gouvernementaux ont commencé à incendier, piller et tuer », a dénoncé l’ambassade dans un communiqué. Dans une allocution à la radio vendredi soir, Jean-Bertrand Aristide a condamné les pillages et demandé à ses partisans de laisser passer les voitures la journée pour que la population puisse reprendre des activités normales. Le président haïtien a appelé les 46.000 fonctionnaires à revenir lundi au travail et demandé la réouverture des écoles. Mais il a aussi appelé la population à rester en alerte pour que les rebelles « ne puissent pas nous prendre par surprise ». « Nous pouvons ériger des barricades la nuit pour nous assurer qu’ils ne nous attaquent pas », a-t-il expliqué. Pour l’heure, les rebelles ont annoncé qu’ils accordaient un sursis d' »un ou deux jours » à la capitale, pour laisser le temps de trouver une issue pacifique. Mais Guy Philippe a prévenu que ses troupes poursuivaient leur regroupement autour de Port-au-Prince. Les forces insurgées se trouvaient vendredi à Mirebalais à une quarantaine de kilomètres de la capitale après avoir pris le contrôle de la moitié nord du pays en trois semaines. « J’ai entendu que les Etats-Unis avaient demandé à nos hommes de stopper leur avance sur Port-au-Prince. C’est dans les informations sur Internet », a-t-il déclaré à l’Associated Press depuis sa base de Cap-Haïtien, deuxième plus grande ville du pays, tombée dimanche dernier. « S’ils nous demandent cela, c’est qu’ils ont une meilleure option, une option pour la paix et nous donnons toujours une chance à la paix, alors nous allons attendre de voir un jour ou deux », a-t-il expliqué, ajoutant ne pas avoir été directement contacté par les Etats-Unis. Quelque 2.200 Marines ont été placés en état d’alerte alors que le Pentagone étudie la possibilité d’envoyer des troupes au large d’Haïti pour prévenir tout exode de réfugiés et protéger les quelque 20.000 Américains qui se trouvent dans le pays. AP

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