Résurgence de la question de couleur 

Alix Didier Fils-Aimé
Alix Didier Fils-Aimé

La question de couleur, en hibernation depuis plusieurs années, a resurgit dans la politique haïtienne à l’occasion de la polémique autour du Conseil Présidentiel de Transition (CPT).

Des débats animés ont lieu autour d’une certaine capture de l’appareil étatique à partir de la prise de fonction de M. Laurent Saint Cyr en tant que coordonnateur du CPT.

Les contempteurs des élites possédantes arguent qu’il serait irresponsable de remettre les commandes des deux branches de l’exécutif, la Présidence et la Primature, aux représentants du secteur privé.

Les craintes sont légitimes de l’avis de M. Fritz Jean 

L’actuel coordonnateur du CPT considère l’argumentaire comme légitime. Le Conseiller Président est l’auteur de plusieurs ouvrages dénonçant d’une part la capture de l’État par les élites et d’autre part les relations incestueuses entre le secteur privé et l’administration publique.

Il évoque notamment l’implication du secteur privé dans le financement des gangs qui terrorisent la population. À juste titre M. Jean estime que la majorité de la population émettent des appréhensions en ce qui a trait à la prise de commande du CPT par M. Saint Cyr.

Toutefois il promet de respecter ses engagements assurant que son discours de passation de témoin est déjà prêt.

M. Jean, ancien président de la chambre de commerce du Nord, est également un membre du secteur privé. Dans sa mise au point il a fait valoir que le secteur privé n’est pas homogène mais que les accusations de prédation concernent une frange importante de ce secteur.

De plus il rejette l’argumentaire de complot évoqué par certains secteurs en ce qui a trait à une évaluation de l’action du Premier Ministre. À ses yeux on ne saurait évoquer le narratif de complot étant parties intégrantes des prérogatives du CPT.

Un spécialiste dénonce l’introduction de la question de couleur

Le juriste Pierre Antoine Louis s’élève contre les accusations de M. Jean jugeant que la responsabilité de la crise multiforme est imputable à l’ensemble des élites politiques, économiques, intellectuelles.

Il note que les dirigeants des partis politiques ont eu la haute main sur l’appareil étatique haïtien depuis la fin du 19 ème siècle.

M. Louis regrette le retour de la question de couleur estimant que ceci empêchera de s’attaquer aux défis réels. Pour M. Louis les critiques ou accusations contre les haïtiens n’ayant aucune ascendance africaine doivent être considérées comme des cas de discrimination .

Il rappelle que la constitution de l’empereur Dessalines avait résolu le problème considérant tous les haïtiens comme des nègres.

Le juriste préconise une approche inclusive qui est déjà bien réel. Il certifie que de nombreux commerçants appartenant aux classes moyennes sont en fait des membres du secteur privé. Les personnes de teint clair ne doivent pas être stigmatisées, dit il puisqu’elles détiennent, à l’instar de tous les citoyens, le droit de s’impliquer dans la vie politique. 

Pour certains spécialistes les critiques acerbes de M. Jean sont de nature à envenimer le climat délétère au CPT. De plus elles peuvent entraîner une incertitude pouvant se révéler néfaste aux investissements. En outre les pleins pouvoirs du CPT sont critiqués par ces spécialistes pour qui les conseillers présidents, siégeant en collège, ne sont astreints à aucune procédure de reddition de compte.

LLM / radio Métropole Haïti 

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