Un juge se réfugie aux Etats-Unis pour échapper à des pressions de la présidence afin de jeter en prison des initiateurs d’une récente marche anti-gouvernementale

Un des substituts du commissaire du gouvernement près le Tribunal Civil de Port-au-Prince, Maitre Daméus Clamé Ocnam, a décidé de se réfugier momentanément aux Etats-Unis pour échapper à des pressions de la présidence de la République pour qu’il ordonne l’arrestation de trois (3) des organisateurs de la manifestationanti-gouvernementale du 22 décembre dernier, à Port-au-Prince. Au cours de cette marche qui avait rassemblé plusieurs dizaines de milliers de manifestants, deux (2) personnes avaient trouvé la mort et six (6) autres avaient été blessées dans un accrochage entre la Police et un commando composé vraisemblablement de militants du parti au Pouvoir qui avait ouvert le feu sur les manifestants. Les initiateurs de la marche qui devraient être écroués sont André Apaid Junior, coordonnateur du Groupe des 184, Hervé Saintilus, président de la Fédération des Etudiants Universitaires Haitiens (FEUH) et l’un des avocats du Groupe des 184, Gervais Charles. Ces deux (2) dernières personnes avaient signé la lettre de notification à la Police de la tenue de la manifestation, comme le requiert la Constitution. Cependant, en vertu d’une loi prise sous la dictature militaire du général Henry Namphy (1986-1988) récemment invoquée par le Pouvoir Lavalas pour freiner la vague sans cesse croissante des manifestations anti-gouvernementales, les organisateurs des manifestations et rassemblements publics doivent répondre de leurs responsabilités toutes les fois que des incidents se produisent au cours de ceux-ci. Dans des déclarations à plusieurs stations de radio de la capitale diffusées ce 26 décembre, Me Daméus explique que, le 23 décembre dernier, il a été conduit au Palais National par le titulaire a.i. du Parquet, Me Ricquet Brutus, pour prendre part à une réunion avec le nommé Marceau Edouard,(cadre engagé par le Pouvoir dans le cadre du projet de réforme judiciaire enclenchée au retour à l’ordre constitutionnel en 1994) et un autre substitut du commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Me Jocelyne Casimir, présentée par Me Daméus comme la conjointe de l’ancien chef du Parquet et actuel conseiller du Chef de l’Etat, Me Jean Auguste Brutus. Selon Me Daméus, ses interlocuteurs lui ayant présenté le texte d’un mandat d’amener qu’il devait tout simplement signer, il affirme avoir vainement tenté de leur démontrer le caractère illégal de leur démarche dans la mesure où, d’une part, aucun flagrant délit dans les décès en question n’a été établi; d’autre part, le Parquet ne dispose d’aucune plainte contre les personnes incriminées. Au terme des discussions, le magistrat affirme avoir été instruit de convoquer les intéressés pour le vendredi 26 décembre et de transformer un mandat de convocation qu’il a dû finalement signer en mandat d’amener, sitôt que ces derniers se seront présentés. Il précise que, jamais au cours des discussions, ses interlocuteurs n’ont abordé la question du commando ayant ouvert le feu sur les manifestants. D’autre part, ajoute Me Daméus, le nommé Marceau Edouard était en Contact téléphonique permanent avec deux (2) personnes, en l’occurrence M. Jean Claude Jean Baptiste, un des conseillers du Chef de l’Etat et ex-directeur général de la police, et Junior Barthélémy, chef de la sécurité rapprochée du Chef de l’Etat. Selon Me Daméus, il était évident que l’injonction de Marceau Edouard relative à l’impérieuse nécessité que les trois (3) initiateurs de la marche soient coûte que coûte appréhendés le vendredi 26 décembre venait de ses interlocuteurs au téléphone. Face à cette situation et voulant préserver son intégrité, Me Daméus Clamé Ocnam affirme avoir pris la décision non de démissionner, mais de se mettre momentanément à couvert. Il prévient tout un chacun que l’argument passe-partout selon lequel des initiatives comme la sienne sont motivées parla recherche d’un visa, ne le concerne en aucune façon. Réagissant à ces révélations, Me Gervais Charles a déclaré à la radio que cette affaire représente un cas où un « complot » est ourdi et où le résultat est connu d’avance. Le Parquet est devenu une « officine » du Palais National, a-t-il affirmé. Alter Presse

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