
Le parquet de Port-au-Prince a vu entrer en fonction, en l’espace d’un mois, un troisième commissaire du gouvernement. Ce mardi, Me Fritz Patterson Dorval, ancien commissaire de Petit-Goâve, a prêté serment en remplacement de Me Frantz Monclair, écarté le 20 août pour faute administrative grave.
La cérémonie d’installation, présidée par le doyen du Tribunal de première instance de la capitale, s’est déroulée sous haute protection policière, reflet des tensions persistantes dans le secteur judiciaire. Me Dorval, fort d’expériences similaires dans d’autres juridictions, a promis de restaurer l’ordre dans un parquet récemment paralysé par des grèves et des scandales de corruption.
Toutefois, sa nomination par le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Patrick Pélissier, a immédiatement suscité la contestation d’avocats du Barreau de Port-au-Prince. Ces derniers dénoncent une décision arbitraire et politiquement motivée. « Ces changements incessants sapent l’indépendance de la justice et servent des intérêts partisans », a déclaré Me Péguy Jean lors d’une manifestation devant le palais de justice.
Ce troisième remaniement consécutif reflète une crise institutionnelle profonde : Me Monclair avait lui-même remplacé Me Guy Alexis, révoqué après seulement trois semaines, dans un contexte marqué par des soupçons de corruption liés à la libération de l’ex-sénateur Nenel Cassy, accusé de financement de gangs. Des organisations comme la Fondasyon je klere (Fjkl) réclament des poursuites contre les commissaires mis en cause, dénonçant un « effondrement de la justice » au TPI de Port-au-Prince, relogé à Delmas dans des locaux précaires en raison de l’insécurité.
Dans un pays où plus de 5 000 détenus se sont évadés lors d’attaques de prisons en 2024 et où les gangs paralysent le système judiciaire, l’instabilité au sein du parquet accentue la crise. Si Me Dorval promet d’accélérer les procédures et d’appuyer la PNH dans la lutte contre les bandes armées, de nombreux observateurs doutent de sa capacité à rétablir la sérénité dans l’appareil judiciaire.