
Désormais, les officiels américains n’ont plus deux sujets de conversation avec le chef de l’état haïtien ; l’insécurité et les élections en 2021 demeurent le refrain qui revient à chaque occasion. De Mike Pompeo, ancien secrétaire d’état américain qui avait croisé le président Jovenel Moise dans les couloirs du palais national de la république dominicaine, à Linda Thomas Greenfield, rien n’a changé. Les Etats Unis demeurent préoccupés par la situation sécuritaire du pays et la crise politique qui perdure.
C’est en Equateur que le chef de l’exécutif haïtien s’est fait gronder pour la dernière fois savon et c’est par la représentante des Etats Unis à l’ONU. Linda Thomas Greenfield a écrit sur son compte tweeter avoir exprimé son inquiétude au président Moise face à l’aggravation de la situation sécuritaire en Haïti. La diplomate a aussi rappelé au garant de la bonne marche des institutions haïtiennes l’importance d’assurer des élections libres, justes et transparentes en 2021 tout en soulignant, comme nombreux avant elle, que le peuple haïtien méritait le droit de choisir ses dirigeants et d’avoir un gouvernement qui est à son service.
Comme on change de ton avec un enfant qui refuse de suivre les instructions de ses parents, la communauté internationale, notamment les Etats Unis, semble avoir atteint la limite de sa patience avec le président haïtien. S’il était de notoriété publique que Jovenel Moise avait le soutien de Donald Trump, ancien président américain, l’administration Biden se montre moins complaisante. Il n’y a pas une semaine, le secrétaire américain à la sécurité intérieure n’avait pas pris de gants pour présenter le tableau de la situation en Haïti : violation des droits humains, pauvreté, insécurité, crise politique, Alejandro Mayorkas a exhibé le carnet de Jovenel Moise à la face du Monde pour justifier sa décision d’ouvrir les portes des Etats Unis d’Amérique à plus de 100 mille haïtiens qui fuient la réalité d’Haïti.
Ce changement de ton se traduit également dans le tweet de la présidente a.i du conseil de sécurité de l’ONU. Linda Thomas Greenfield affirme avoir souligné à l’attention du président que le peuple haïtien avait le droit d’avoir un gouvernement qui est à son service, comprendra qui pourra.
Un coup d’œil rapide sur la page de la diplomate et l’on peut constater sa fatigue vis-à-vis de la situation qui prévaut en Haïti et de ceux qui l’ont engendrée. Lors de son passage en Equateur pour l’investiture du nouveau président de ce pays, Linda Thomas Greenfield a rencontré plusieurs chefs d’états et d’autres dignitaires étrangers, ces différents tweets sont parlants. « Heureuse de rencontrer le président Luis Abinader pour discuter des opportunités pour les Etats Unis et la république dominicaine de travailler ensemble… » a écrit la diplomate. Dans un autre tweet elle affirme « être contente de rencontrer le ministre argentin des affaires étrangères » et s’agissant du ministre Chilien des affaires étrangères, elle dit « être enchantée de l’avoir rencontré » ; au milieu de tout ce plaisir et contentement il y a juste cette « rencontre avec le président haïtien ».
Le pays est souverain et le président Jovenel Moise est libre de prendre des décisions pour son peuple, c’est ce qu’affirme l’exécutif à chaque fois qu’il doit réagir sur les déclarations d’un officiel américain ces derniers jours. Cependant, nombreux sont ceux qui se demandent jusqu’où le pouvoir Tet Kale peut aller sans le soutien de l’Oncle Sam ? Quelle sera la réaction des américains si à la fin de l’année, le chef de l’état ne parvient pas à créer les conditions nécessaires pour la tenue des élections ? Les Etats Unis sont-ils en train de jouer à l’usure afin de sauver la face et couvrir leur échec aux côtés du président haïtien ? En tout cas, ceux qui veulent jouer la carte du réalisme sont plutôt fermes sur le fait qu’il ne puisse pas avoir de bonnes élections dans le pays dans les prochains 6 mois.
Luckner GARRAUD