Saviez-vous qu’aucun représentant de la CARICOM n’a participé aux discussions de Jimani, tenues quelques jours après la rencontre de Cuba. Savez-vous pourquoi ? Pour les analystes, nos voisins de la Caraïbe sont déçus par la gestion haïtienne du dossier des apatrides. L’ex-coordonnatrice du Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés (GARR, la journaliste indépendante et militante des droits des migrants Colette Lespinasse est la première à s’en préoccuper à voix haute dans une publication récente : « [..] Aucun représentant de la CARICOM n’a participé aux discussions de Jimani, tenues quelques jours après la rencontre de Cuba ». Les observateurs ont effectivement vérifié que la partie traitant traditionnellement de la présence des participants avec statut d’observateurs, ne figure pas dans le texte de la Déclaration de Jimani, contrairement à la déclaration de Ouanaminthe du 7 janvier 2014, qui dans sa partie finale traitant des participants à titre d’observateurs, avait rapporté la présence de Colin Granderson, représentant de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Comment faut-il interpréter l’absence, très remarquée, de Colin Granderson, représentant de la Communauté des Caraïbes ? Colette Lespinasse met ce fait en contexte dans une publication hébergée ce mardi 11 février par l’agence de nouvelles en ligne AlterPresse. Dans une publication intitulé « Le respect des droits humains serait-il troqué au profit des intérêts politiques et économiques ? », l’ex-coordonnatrice de GARR rend compte de cette absence très remarquée, d’autant plus remarquée que les dirigeants des pays membres de la CARICOM n’avaient cessé d’élever la voix pour condamner l’arrêt 168-13. « Encore une fois, dit-elle dans un constat amer, les problèmes de droits humains qui sont souvent à l’origine des conflits au niveau de la frontière et surtout le dossier de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle dominicaine qui a dénationalisé des milliers de personnes d’origine haïtienne, et qui avait valu une mobilisation mondiale de dénonciations, ont été mis au rencart ». « Les autorités haïtiennes semblent plutôt avoir entériné la position dominicaine de préparer une loi de naturalisation pour ces personnes qu’on a déchu de leur nationalité, sous prétexte qu’elles n’ont jamais été dominicaines ». Les journalistes de plusieurs médias de la Caraïbe n’ont pas compris cette position d’Haïti à la rencontre de Cuba, soupire-t-elle. Et pourtant, rappelle-t-elle, la Première Ministre de Trinidad et Tobago, Kamla Persad-Bissessar, dans son intervention au 2e sommet de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CEAC), à La Havane (Cuba) avait dénoncé la dénationalisation de centaines de milliers de Dominicains d’origine étrangère, notamment haïtienne. Intervenant en présence de plusieurs chefs d’état dont les présidents haïtien Michel Martelly et dominicain, Danilo Medina, la Première Ministre de Trinidad s’était dit convaincue qu’une solution, qui respecte les droits fondamentaux des personnes touchées par la décision, peut être trouvée. Une semaine auparavant, plus 30 organisations dominicaines et haïtiennes avaient dénoncé l’arrêt de la Cour Constitutionnel dénationalisant plusieurs centaines de milliers de dominicains d’origine haïtienne. Le 26 novembre 2013, à l’issue d’une réunion spéciale à Trinidad and Tobago, les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté des Etats de la Caraïbe (CARICOM), avaient dénoncé la violation par la République Dominicaine de la décision adoptée en 2005 par la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) relative aux pratiques d’immigration et en conformité avec les dispositions de la Convention américaine sur les droits de l’homme. Ils avaient unanimement et vigoureusement condamné la décision de la Cour constitutionnelle dominicaine, qualifie d' »odieuse et discriminatoire » qui prive rétroactivement des dizaines de milliers de Dominicains, la plupart d’origine haïtienne, de leur citoyenneté, les rend apatrides et sans recours en appel. Une mesure qui, d’après la CARICOM, viole également les obligations internationales prises par la République dominicaine. La CARICOM avait, dans la foulée annoncé la suspension de l’examen de la requête dominicaine à intégrer la Communauté des Caraïbes et entendait également reconsidérer ses relations à d’autres niveaux à savoir : la CARIFORUM, la CELAC et l’OEA. La Caricom avait envisagé également l’introduction d’une résolution à l’Assemblée Générale des Nations-Unies pour condamner la décision de la Cour Constitutionnelle dominicaine et avait subordonné la reprise de ses relations habituelles avec la République dominicaine à l’adoption, dans le plus bref délai, par cet État, de mesures crédibles et immédiates circonscrites dans le cadre d’un plan global pour résoudre le problème de la nationalité et les autres questions auxiliaires. De retour de la rencontre de Cuba et de sa séance de travail à la Maison Blanche avec le président américain Barak Obama, le président Martelly avait essuyé les reproches des organisations de la société civile qui ne comprennent pas pourquoi il a décidé de « cautionner le génocide civil » déclenché par l’Arrêt 168-13. A Cuba, précise Colette Lespinasse, le président Haïtien réuni avec les chefs d’État de la Caraïbe et de l’Amérique Latine, n’a pas profité de cette importante scène internationale pour expliquer ce qui se passait, du moins publiquement. Il n’a pas appuyé les représentants des pays de la CARICOM qui avaient soulevé le problème et qui s’apprêtaient à demander une résolution concernant ce dossier à la CELAC. Il est inconcevable, s’inquiétait le GARR, que la délégation haïtienne n’a pas, encore une fois, profité de l’occasion pour dénoncer l’Arrêt 168-13 et réclamer son retrait comme le sollicitent le CARICOM, la CIDH », entre autres institutions. Pire encore, « Le premier ministre Laurent Lamothe, en tournée en Afrique et participant à une assemblée de l’Union Africaine, n’a lui non plus pipé mot de ce grave dossier qui concerne pourtant de beaucoup le continent africain, puisque les personnes dénationalisées le sont en raison de leur origine et aussi de la couleur de leur peau ». »En utilisant les deux rencontres de Ouanaminthe et de Jimani pour détourner l’attention du monde sur le dossier de l’arrêt CT 168-13, Haïti fragilise toute la mobilisation internationale qui commençait à prendre chair pour faire respecter les droits des immigrants haïtiens en République Dominicaine ainsi que leurs descendants ».Et de cela, les pays membres de la CARICOM en sont parfaitement conscients.Le Groupe d’Appui aux rapatriés et réfugiés (GARR) avait, fin décembre 2013, exhorté les autorités haïtiennes à ne pas transiger sur la question de la dénationalisation des Dominicains d’ascendance haïtienne. « L’État haïtien, avait averti le GARR, doit toujours garder sa position de condamnation sans réserve de cet acte et ne doit en aucun cas entrer dans le jeu d’un secteur radical de la classe politique dominicaine pour le porter à prendre des décisions néfastes à l’intérêt du peuple haïtien et des victimes de la sentence 168-13″. »Il faut éviter à tout prix de mélanger le dossier de la régularisation de la situation des immigrants-es haïtiens avec celui du dossier des personnes nées sur le sol dominicain, qui jouissent depuis au moins quatre générations de leurs documents d’identité, et qu’on veut aujourd’hui dépouiller de leur nationalité ».Le 23 décembre 2013, le Comité Mémoire 1937 avait également exprimé ses vives préoccupations sur le sujet et exhorté l’Exécutif haïtien à user de vigilance pour ne pas tomber dans le piège de transformer en un dialogue bilatéral une question d’ordre international. Peine perdue. La CARICOM semble avoir tiré les conséquences de la gestion haïtienne du dossier. HA/radio Métropole Haïti
Arrêt 168-13 : la CARICOM déçue par la gestion haïtienne du dossier des apatrides ?
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