
Haïti-RD : Le respect des droits humains aurait-il été troqué au profit d’intérêts politiques et économiques ? C’est la question que se posent tous ceux qui suivent avec attention les travaux de la Commission de haut niveau et à laquelle répond Colette Lespinasse, ex-coordonnatrice et actuelle conseillère spéciale de Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés.Le 3 février 2014, écrit Colette Lespinasse dans une publication soumise à l’agence de presse en ligne AlterPresse, les autorités haïtiennes et dominicaines se sont réunies à Jimani et ont adopté, après de longues heures de discussions, une déclaration conjointe sur un ensemble de thèmes allant des œufs et des poulets jusqu’au trafic de stupéfiants et du contrôle douanier transfrontalier. « Encore une fois, les problèmes de droits humains qui sont souvent à l’origine des conflits au niveau de la frontière et surtout le dossier de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle dominicaine qui a dénationalisé des milliers de personnes d’origine haïtienne, et qui avait valu une mobilisation mondiale de dénonciations, ont été mis au rencart ».Pour la journaliste indépendante et militante des droits humains et des migrants, » Les autorités haïtiennes semblent plutôt avoir entériné la position dominicaine de préparer une loi de naturalisation pour ces personnes qu’on a déchu de leur nationalité, sous prétexte qu’elles n’ont jamais été dominicaines ». Colette Lespinasse en veut pour preuve les déclarations du premier ministre Laurent Lamothe à la presse à l’issue de la rencontre binationale de Jimani. « La République Dominicaine (RD) va préparer une loi pour les personnes qui ont été affectées par l’arrêt CT-168-13 », a-t-il dit au micro des journalistes, tandis que la déclaration conjointe finale fait plutôt référence à une loi que va préparer la RD sur la situation des personnes nées sur le territoire dominicain qui, actuellement, ne détiennent aucun type de document : « La République Dominicaine a réitéré son engagement à introduire au Parlement dominicain le 27 février 2014, au début de la nouvelle législature, une loi spéciale traitant de la situation des personnes nées sur le territoire dominicain et qui, actuellement, ne détiennent aucun type de document ». Colette Lespinasse souligne « la contradiction entre ce qui est écrit dans la déclaration finale de Jimani et les propos du premier ministre Laurent Lamothe. La déclaration parle de personnes n’ayant jamais eu de documents, tandis que le premier ministre a fait savoir à la presse que cette loi annoncée concernera les personnes affectées par l’arrêt CT 168-13″. »Entre Ouanaminthe, Cuba et Jimani, la position d’Haïti sur la CT 168-13 a-t-elle changé ? », se demande-t-elle. »Haiti, qui, au départ avait adopté une position ferme en dénonçant sur la scène internationale l’arrêt de la Cour Constitutionnelle dominicaine et en encourageant d’autres pays et instances à en faire de même semble avoir ramoli sa position ou plutôt a fait volte face », constate, non sans amertume, la militante des droits des migrants.Au lieu de maintenir la pression, les autorités haitiennes ont accepté d’entrer dans une affaire de dialogue sur un ensemble de sujets qui n’avaient rien à voir avec le problème en discussion. « En complicité avec la RD, le Vénézuela et une partie de la classe d’affaires haïtienne qui ne s’est jamais préoccupée du sort de ces milliers de travailleurs migrants et de leurs descendants, Haiti contribue à noyer le dossier de la dénationalisation des milliers de personnes d’origine haïtienne dans un ensemble de sujets, dont le commerce des œufs et des poulets, les recettes douanières et le trafic de la drogue ».Les sujets abordés se trouvaient sur la liste des dossiers à discuter entre les deux pays depuis 1996, avec la création de la Commission Mixte haitiano-dominicaine, mais d’un côté comme de l’autre, les autorités n’en ont, effectivement, jamais fait cas.Ainsi, écrit-elle, « la souffrance des milliers de personnes victimes de cette sentence inique est en passe d’être négociée au profit des intérêts économiques et politiques des grands de cette île ». »Désormais, on peut mettre en avant le dialogue haitiano-dominicain comme épouvantail dans les rencontres internationales pour faire croire que tout va bien sur l’île, alors que dans les faits, rien n’a vraiment changé ».A Cuba, précise-t-elle, le président Haïtien réuni avec les chefs d’Etat de la Caraïbe et de l’Amériques Latine, n’a pas profité de cette importante scène internationale pour expliquer ce qui se passait, du moins publiquement. Il n’a pas appuyé les représentants des pays de la Caricom qui avaient soulevé le problème et qui s’apprêtaient à demander une résolution concernant ce dossier à la CELAC. Pire encore, « Le premier ministre Laurent Lamothe, en tournée en Afrique et participant à une assemblée de l’Union Africaine, n’a lui non plus pipé mot de ce grave dossier qui concerne pourtant de beaucoup le continent africain, puisque les personnes dénationalisées le sont en raison de leur origine et aussi de la couleur de leur peau ».En utilisant les deux rencontres de Ouanaminthe et de Jimani pour détourner l’attention du monde sur le dossier de l’arrêt CT 168-13, Haiti fragilise toute la mobilisation internationale qui commençait à prendre chair pour faire respecter les droits des immigrants haïtiens en République Dominicaine ainsi que leurs descendants. « Désormais, conclut une Colette Lespinasse de plus en plus amère, il sera difficile de faire comprendre au monde entier ce qui est en train de se passer, car entretemps, les deux gouvernements ont introduit un ensemble de confusions que la RD est en train d’exploiter avec une contre-campagne internationale de relations publiques très agressive ».Source : Colette Lespinasse / AlterPresse > http://www.alterpresse.org/spip.php?article15977#.Uvutbs6YQ34 HA/radio Métropole Haïti