
L’affaire d’Evelyne Sincère ne répond pas aux caractéristiques typiques d’un cas classique de kidnapping. La jeune fille de 22 ans n’avait pas été épiée, suivie dans les rues, enlevée, séquestrée puis assassinée. Elle a seulement pris la mauvaise décision de rendre visite, pour la deuxième fois, à son copain rencontré sur le réseau social Facebook. Ce qui devait être un moment entre amoureux s’est vite transformé en cauchemar pour Evelyne parce qu’il y a trois jeunes de moins de 30 ans qui voulaient gagner de l’argent mais de « l’argent facile ». Trois jeunes garçons qui veulent fréquenter tous les endroits huppés de Port-au-Prince alors qu’ils ne travaillent pas ; 3 utilisateurs de réseaux sociaux qui veulent porter des vêtements à la mode pour se faire prendre en photo afin d’impressionner les amis virtuels de la toile. Evelyne Sincère était la proie facile parce qu’elle faisait déjà confiance à Obed jusqu’à ce que ce dernier ne soit tenté par l’envie de mettre à exécution ce qui n’était alors qu’un simple projet entre amis. Enlever quelqu’un, une idée que caressaient Obed Joseph et les frères Domercant, Michel Jerry et Evald. Dans ce grand désordre, cette cacophonie où l’état semble baisser les bras, ces jeunes ont cru pouvoir eux aussi en profiter pour s’en mettre plein la poche ; ils ont donc nourri l’envie, hésité pendant longtemps pour finalement passer à l’action avec la jeune écolière qui venait de boucler ses études classiques; mais qu’est ce qui pouvait les retenir puisque les kidnappeurs ne s’empilent pas dans les cellules du pénitencier national ; dans les medias et sur les réseaux sociaux, les nouvelles d’enlèvement se succèdent mais pas celles des libérations par la police. Séquestrer la sœur, la princesse d’Enette Sincère était la partie la plus facile, mais supporter ses reproches, son regard était le calvaire quotidien de ses ravisseurs qu’elle connaissait, notamment Obed Kiki Joseph qui était son « soit disant » petit ami ; la libérer était tout simplement impossible, un point auquel les amateurs n’avaient pas eu le temps de penser avant de passer la corde aux poignets de l’adolescente. Evelyne Sincère n’est pas victime de la grande criminalité, NON, mais plutôt de la démission des parents, de l’insouciance des autorités, de l’absence de politiques publiques de jeunesse, de l’effritement des valeurs, de l’échec du système éducatif, du choix de la majorité silencieuse et des effets de l’acculturation. Evelyne Sincère a raté l’opportunité d’assurer les vieux jours de ce père qui préférait vendre des sachets d’eau glacée dans les rues de la capitale plutôt que de laisser sa fille mourir de faim, parce que la société a oublié l’essentiel, parce que le ventre et le bas ventre sont les principales préoccupations de plus d’un, parce que le pays glisse chaque jour un peu plus.