
Tel un phœnix, la Commission Mixte Bilatérale (CMB) renait de ses cendres. Sur sa tombe dépoussiérée se lit l’épitaphe suivante : « Ci-gît la CMB, née le 31 mai 1979, ressuscitée à plusieurs reprises mais toujours susceptible de retomber dans son état cataleptique habituel « . Une trajectoire en dents de scie Depuis sa création le 31 mai 1979 à Jimaní, dans le cadre de l’Accord Basique de Coopération signé par les présidents Don Antonio Guzmán et Jean Claude Duvalier, la CMB vit une trajectoire en dents de scie. Alternativement jeté dans un état comateux puis réanimée pour les besoins de la cause, elle n’en finit cependant pas de mourir. Et de renaitre de ses cendres. La Commission Mixte Bilatérale Haitiano-Dominicaine a pour mission d’identifier les secteurs prioritaires d’intervention dans la perspective d’élaboration et d’exécution de conventions, accords, programmes et autres projets spécifiques de coopération, de coordonner leur exécution et d’en évaluer les activités. La Partie haïtienne de la Commission a pour mandat de procéder, conjointement avec la partie dominicaine à une revue régulière de la coopération entre les deux pays et de recommander aux deux gouvernements les mesures à adopter et à mettre en œuvre en vue d’améliorer et de renforcer la coopération entre les deux États, notamment dans les domaines du commerce, de l’agriculture, de l’environnement, de l’éducation, de la culture, de la santé, de la migration, des sports, de la sécurité publique et des droits humains.Le ministre des Affaires étrangères, par délégation du Premier Ministre, assure avec son homologue dominicain la planification, la convocation, la coordination et le suivi des sessions de la Commission Mixte. Pour la Partie haïtienne y sont impliqués dix-sept ministères, trois institutions et organismes autonomes et semi-autonomes de l’État, trois organisations du secteur des affaires, une association socioprofessionnelle et un représentant du secteur syndical, vingt-six membres au total. Le secteur associatif est le grand absent de cette Commission, tout comme cela a été le cas lors de la rencontre du 7 janvier 2014 à Ouanaminthe. Un Secrétariat Technique, sorte de mécanisme de fonctionnement et d’opérationnalisation de la CMB, coordonne les activités de groupes de travail thématiques. Selon le bureau de communication de la Présidence haïtienne, les travaux de la Commission mixte de coopération portent sur plusieurs thématiques reflétant les priorités arrêtées à l’époque par les deux pays, notamment : o Commerce et investissement o Tourisme o Agriculture et Environnement o Enseignement supérieur, science et technologie o Environnement et Ressources Naturelles o Culture, Éducation, Jeunesse et Sports o Questions migratoires et frontalières o Projets Conjoints de développement o Santé Publique o Transports et Communications La Déclaration conjointe du 7 janvier 2014 souligne l’intention des deux parties de s’entendre autour de la réactivation de la Commission Mixte Bbilatérale pour assurer le suivi des décisions prises dans le cadre de ce dialogue de haut niveau ainsi que pour mettre en œuvre les accords précédents. Mais, la CMB n‘a jamais l’occasion de concrétiser les accords signés avec la République dominicaine. Or des accords précédents, il y en a. Invariablement ignorés.De 1867 à nos jours, plus d’une vingtaine de conventions, traités et accords ont été souscrits par les deux États, dont la moitié dans le cadre des travaux de la Commission mixte bilatérale haïtiano-dominicaine. L’Accord Basique de Coopération, admettent les analystes, est venu radicalement transformer la nature des relations entre les dirigeants des deux nations. Dans son préambule, cet accord évoque la nécessité pour les deux peuples de resserrer les liens d’amitié qui désormais les unissent et de jeter les bases d’une coopération durable. » Le discours des dirigeants haïtiens et dominicains des deux côtés de la frontière, constatait l’ex-ambassadeur d’Haïti en République dominicaine Guy Alexandre à l’époque, est largement marqué par l’optimisme, en ce qui concerne l’état des rapports bilatéraux. A en croire Chefs d’État, Ministres des Affaires Étrangères et Ambassadeurs, les relations entre la République Dominicaine et Haïti seraient ‘’bonnes », voire ‘’excellentes‘’, en tout cas elles connaîtraient ‘’leur meilleur moment ». La promulgation par le président René Préval le 18 février 2009 de l’Arrêté modifiant la composition de la partie haïtienne de la CMB vient ramener le phœnix à la vie. Deux mois plus tard, plus exactement le 21 mai 2009, la Première Ministre de l’époque, Michèle Pierre Louis, essaya, sans succès, de relancer les travaux de cette commission. Il faut admettre qu’indignée par le traitement infligé aux migrants haïtiens en République dominicaine, Michèle Pierre Louis avait dénoncé « les agressions répétées, les assassinats gratuits, les harcèlements, les rapatriements intempestifs, les incidents frontaliers dont sont victimes nos concitoyens et concitoyennes, [et qui] interpellent notre conscience et questionnent notre humanité ».Ce qui l’avait immédiatement disqualifié aux yeux des autorités dominicaines mais qui faisait d’elle la première grande personnalité de l’État haïtien à avoir jamais élevé la voix de cette façon pour dénoncer des cas de graves violations des droits des migrants haïtiens. Le 26 mars 2012 à Santo Domingo, les présidents Fernández y Martelly signaient à Santo Domingo une déclaration conjointe ainsi que sept accords de coopération notamment : – un accord de coopération technique de la République Dominicaine à la République d’Haïti dans le domaine des programmes sociaux de transferts conditionnels ; – un protocole d’accord haïtiano-dominicain instituant le Fonds Bolivarien de Solidarité avec Haïti ; – un mémorandum d’entente sur la sécurité et la frontière ; – un mémorandum d’entente de coopération technique entre la République Dominicaine et la République d’Haïti dans le domaine de l’éducation supérieure, la science et la technologie ; – un mémorandum d’entente sur le transport transfrontalier ; – un mémorandum d’entente sur le commerce, l’investissement et le tourisme ;- un mémorandum d’entente entre le Ministère de Planification et de Coopération Externe de la République d’Haïti et le Ministère de l’Économie, de la Planification et du Développement de la République Dominicaine. Le 18 février 2009, le président René Préval publia un arrêté modifiant la composition de la partie haïtienne du CMB et créant un Secrétariat technique dont la mission sera de relancer le processus de négociations bilatérales. Cette initiative fut prise à un moment où il était impératif de trouver des solutions durables dans la gestion des dossiers les plus conflictuels entre les deux États voisins, notamment la question migratoire et frontalière et les échanges commerciaux. Le 29 février 2012, les ministres des Affaires Étrangères de la République d’Haïti et de la République Dominicaine signèrent une déclaration conjointe qui identifiait les secteurs prioritaires d’intervention à inscrire à l’agenda des futures négociations. Un mois auparavant, interrogé par la presse sur les graves incidents enregistrés en territoire dominicain à l’époque, le président Michel Martelly déclarait, au cours d’un point de presse accueillant des journalistes étrangers au palais national, que » la commission mixte haïtiano-dominicaine est l’organe qui devrait se pencher sur ces problèmes tout comme ceux enregistrés à la frontière ».Le 21 septembre 2012 le ministre haïtien des Affaires Étrangères Pierre-Richard Casimir, lors de l’installation à Port-au-Prince de Régine Lamur, la nouvelle Secrétaire Technique de la Partie haïtienne de la Commission mixte bilatérale, déclare : « Je suis particulièrement heureux de procéder cet après-midi à la remise en selle ou à la régénération de la partie haïtienne de la Commission mixte haïtiano-dominicaine (..) ». Mme Lamur, précise le Chancelier haitien, possède « une bonne expérience des relations haïtiano-dominicaines pour avoir été diplomate à l’ambassade d’Haïti à Santo Domingo ». »Ses qualités personnelles, son dévouement à la cause de la nation haïtienne et son sens des responsabilités sont des gages de sa capacité de mener à bien sa mission de façon à mériter la confiance placée en elle par le chef de l’État et le Premier ministre ».Pour pleinement jouer le rôle qui lui est dévolu, ajoute le ministre, le Secrétariat technique doit « raviver les structures de la Commission mixte haïtiano-dominicaine qui ont été mises en veilleuse depuis plusieurs années et donner une nouvelle impulsion aux relations tant diverses que complexes entre les deux pays ». « Le gouvernement attend de vous des résultats. Toutes les questions relatives aux relations haïtiano-dominicaines doivent désormais être mises sur la table et analysées afin que des propositions et recommandations concrètes soient produites pour permettre de les adresser comme il faut », a conclu M. Casimir, soulignant que la mission première de Mme Lamur sera de redonner vie à la Commission mixte haïtiano-dominicaine.La déclaration conjointe du 7 janvier 2014 vient reconduire la Commission Mixte Bilatérale (CMB) sur les fronts baptismaux. Serait-ce une autre occasion de confirmer sa réputation d’increvable zombi ? HA/radio Métropole HaitiSur la photo : le Chancelier Pierre-Richard Casimir et la Secrétaire technique de la Commission Mixte Bilatérale Régine Lamur.