Dialogue binational : la Déclaration de Ouanaminthe, un état des lieux hanté par l’arrêt 168-13

« Tout en reconnaissant le droit souverain de la République Dominicaine de déterminer sa politique migratoire et les règles pour l’octroi de la nationalité, la partie haïtienne a sollicité la garantie que des mesures concrètes soient prises pour sauvegarder les droits fondamentaux des personnes d’origine haïtienne. ».La partie dominicaine aurait, dit-on, « confirmé cette garantie ». Cette phrase clé, dans la déclaration conjointe lue en français et en espagnol par les chefs des deux délégations, confirme les appréhensions : les parties prenantes ont beau le nier, la sentence 168-13 fut bel et bien au cœur de cette rencontre, son nœud gordien,une thématique officiellement mise de coté, mais officieusement et copieusement traitée. Quoi qu’il en fût, après plus de sept heures de travail à huis-clos, la déclaration conjointe qualifie la rencontre d’historique, juge le dialogue franc et fait de la recherche de solutions conjointes un objectif bien ciblé. La question migratoire Cette question a été l’un des sujets les plus débattus à cette rencontre. La partie haïtienne a soulevé un sujet qu’elle qualifie de grande préoccupation : les tracasseries administratives liées au statut des étudiants haïtiens fréquentant les universités dominicaines. Ce dossier sera soumis à l’analyse des deux parties, la délégation dominicaine ayant convenu d’évaluer la requête et d’en débattre lors de la prochaine rencontre le 3 février prochain.Les deux gouvernements ont réaffirmé leur volonté de régulariser la situation des travailleurs étrangers en République dominicaine. La mise en œuvre d’un programme octroyant un visa à tous les travailleurs temporaires se trouvant sur le territoire dominicain, décidée la semaine dernière par l’administration Medina, sera précédée de la mise en place, par le gouvernement haïtien, d’un dispositif de dotation des personnes concernées en documents d’identité et de voyage. De plus la partie dominicaine a annoncé l’adoption, dans quelques semaines d’une loi additionnelle qui adressera tous les cas non pris en compte dans son Plan de régularisation. Les deux parties ont reconnu que le sujet n’a pas été épuisé à cette rencontre et se sont engagées à l’aborder de nouveau dans le cadre de la prochaine réunion. Échanges commerciaux Le renforcement des échanges commerciaux entre les deux Etats devra désormais se faire sur la base de réciprocité, du respect mutuel et de la justice, une revendication du Forum Économique du Secteur Privé haïtien relayée par la délégation haïtienne. Un sujet qui reviendra certainement sur le tapis, d’autant plus que le secteur des affaires des deux pays sera invité à participer aux prochaines séances de travail, Haïti ayant donné le ton avec la présence, au sein de la délégation haïtienne à titre d’observateur, de Norma Powell, les yeux et les oreilles du Forum du Secteur Privé en cette occasion. L’étude du dossier des marchés binationaux – cette autre pomme de discorde entre les deux pays – a été entamée ce mardi sans grande avancée, les deux parties se bornant à constater la nécessité de les organiser et de les réguler, avec la possibilité de responsabiliser le système douanier dans cette perspective. Les deux parties pourront compter sur l’assistance technique de l’Union Européenne dans ce dossier. Environnement Le renforcement de la collaboration existante entre les deux pays en matière de protection de l’environnement sera concrètement envisagé. Un vaste programme de reboisement de la zone frontalière pourrait en résulter. Lutte contre la criminalité Les deux parties élaboreront une stratégie conjointe de lutte contre la criminalité organisée, le trafic des stupéfiants, et la criminalité transnationale. Le suivi A partir de cette première rencontre, désormais, d’autres exercices se tiendront tous les premiers lundis du mois, alternativement en Haïti et en République dominicaine. Une méthodologie et un calendrier de travail ont été élaborées et des thématiques retenues. Les observateurs présents à la rencontre du 7 janvier seront toujours les mêmes lors des prochains rounds de négociation : la République Bolivarienne du Venezuela, les Nations Unies, l’Organisation des États Américains, la CARICOM, l’Union Européenne. Norma Powell, la représentante du Forum Économique du Secteur Privé haïtien à cette réunion, eut l’occasion d’y jour son rôle de vigie. Ce ne fut cependant pas le cas du secteur civil – particulièrement les organismes de défense des droits des migrants – qui revendiquent un traitement égal de la part du gouvernement haïtien. La Commission Mixte Bilatérale haïtiano-dominicaine (CMB), ressuscitée pour les besoins de la cause, fera le suivi des recommandations et la mise en œuvre des accords précédents. La première rencontre, qui a bénéficié de hautes mesures de sécurité, s’est tenue dans la zone franche de CODEVI, une propriété d’investisseurs dominicains située dans la zone frontalière de Ouanaminthe. Le prochain round des négociation se tiendra le 3 février prochain en République dominicaine.HA/radio Métropole Haïti Crédit photo : El Caribe

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