Plus d’un an après le départ en exil de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide, les violences n’ont pas cessé en Haïti, malgré le déploiement de 7 400 casques bleus. Les conditions de vie de la population, la plus pauvre des Amériques, ne se sont pas améliorées, malgré les promesses d’aide. Face au risque d’un échec de la communauté internationale, comme lors de la précédente intervention, il y a dix ans, une mission du Conseil de sécurité de l’ONU devait passer, à partir du mercredi 13 avril, quatre jours en Haïti. « Cette visite permettra de mesurer l’ampleur des défis encore à relever », souligne Damian Onsés-Cardona, le porte-parole de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah). Alors que des élections sont prévues pour octobre et novembre, l’insécurité demeure la préoccupation principale. Depuis « l’opération Bagdad », lancée en septembre 2004 par des bandes armées se réclamant d’Aristide, plus de 500 personnes ont été tuées. La semaine dernière, des groupes armés ont ouvert le feu sur des passants, tuant au moins deux personnes et en blessant plusieurs dizaines dans différents quartiers de Port-au-Prince. Le siège du Conseil électoral a été attaqué à l’arme automatique et à la grenade. La police est accusée de multiplier les arrestations arbitraires et les exécutions sommaires dans les quartiers populaires, considérés comme des fiefs de « Titid », l’ancien président. CHEFS DE GANG TUÉS Ni la première force internationale (Etats-Unis, France, Canada, Chili) ni le contingent onusien, commandé par un général brésilien et composé pour l’essentiel de troupes latino-américaines, n’ont procédé au désarmement. L’ONG suisse Small Arms Group estime à 200 000 le nombre d’armes en circulation. Les partisans d’Aristide, les ex-militaires et les criminels de droit commun disposeraient d’environ 13 000 armes, dont un grand nombre de fusils d’assaut. Critiqués pour leur passivité, les casques bleus ont récemment lancé une opération d’envergure à Cité Soleil, le plus grand bidonville de la capitale et l’une des principales bases des « chimères » les gangs pro- « Titid ». La Minustah a appuyé des interventions musclées de la police haïtienne qui se sont soldées par la mort de deux chefs de bande. L’ex-sergent Remissainthe Ravix était l’un des leaders des militaires démobilisés qui s’étaient soulevés contre l’ancien président ; il s’était retourné contre le gouvernement provisoire après son refus de reconstituer l’armée dissoute par Aristide. Jean Anthony, surnommé Grenn Sonnen, était quant à lui le chef d’un gang pro- « Titid ». L’ambassadeur des Etats-Unis, James Foley, avait auparavant dénoncé « une alliance insensée, synonyme de chaos, que les Etats-Unis n’accepteront pas », entre des partisans d’Aristide et des groupes l’ayant combattu. « Je suis un peu plus optimiste car il y a une meilleure coordination entre la police, qui a réalisé un travail d’épuration interne, et la Minustah », souligne Serge Gilles, candidat à la présidence du nouveau parti né de la fusion des sociaux-démocrates. « Si le Conseil électoral se réveille, je pense que les élections peuvent avoir lieu cette année », ajoute-t-il. Le temps presse. Le Conseil électoral doit enregistrer et doter de papiers d’identité plus de 4 millions d’électeurs. L’Organisation des Etats américains a fourni des experts et les principaux « pays amis » Etats-Unis, Union européenne et Canada ont promis de financer l’organisation des élections, dont le coût est évalué à environ 40 millions de dollars. Soulignant que la solution de la crise haïtienne « n’est pas militaire », le Brésil, l’Espagne, l’Argentine, le Chili et l’Uruguay, qui fournissent le gros des casques bleus, menacent de les retirer si l’aide internationale n’arrive pas rapidement. Moins de 20 % des sommes promises en juin 2004 (1,4 milliard de dollars) ont été décaissés. Pour accélérer les déboursements, la France a organisé le 18 mars à Cayenne (Guyane) une conférence de bailleurs de fonds qui a identifié près de 400 projets. « Le problème, c’est que la France ne donne pas l’exemple. Depuis Cayenne, la coopération française est aux abonnés absents. Et 26 policiers français sont partis sans être remplacés », confie un diplomate européen. Le Monde, 13 avril 2005
En Haïti, les violences n’ont pas cessé et l’aide se fait attendre, menaçant la stabilisation politique du pays ( Le Monde)
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