Haïti, quelle opposition pour quel pouvoir ?

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Dans tout système démocratique, un pouvoir en place a besoin d’une opposition pouvant contrôler ses actions, critiquer ses décisions, dénoncer ses dérives et formuler des propositions. Une bonne opposition œuvre dans l’intérêt des citoyens en forçant l’équipe dirigeante à rester sur le droit chemin et incarne l’espoir si elle devait dériver. Haïti fait l’expérience de la démocratie depuis plus de 30 ans, et les oppositions haïtiennes peinent encore à jouer ce rôle. Le pouvoir PHTK va bientôt compter 9 ans à la tête du pays ; au cours de son mandat Michel Martelly avait face à lui des opposants farouches ; des élus notamment des sénateurs, des leaders politiques et des dirigeants d’organisations populaires ont mis des bâtons dans les roues de l’ancien président-chanteur jusqu’à l’empêcher de tenir des élections. Cependant quand il était venu le moment pour le peuple de s’exprimer à travers les urnes, c’est son poulain qui a été élu. Michel Martelly n’a pas eu le meilleur bilan qui soit ; violation de la constitution, faux pas, déclarations intempestives, suspicions de corruption marquaient son quinquennat, mais l’opposition n’a pas pu tirer profit de tout cela et Jovenel Moise est arrivé au pouvoir. Aujourd’hui, l’opposition s’est-elle renouvelée ? A-t-elle changé de stratégie, peut-elle faire une différence ?Avant même sa prestation de serment, Jovenel Moise subissait les assauts d’une opposition qui n’accepte pas de défaite ; 4 ans après, celui qui vendait le rêve d’un entrepreneur réussi à travers son projet de « Banane » est encore au pouvoir. Mais Jovenel Moise, incarnant la version 2 du pouvoir PHTK, est-il sans reproche ? Le chef de l’état n’a pas su délivrer selon de nombreux observateurs, ses différentes promesses non tenues lui ont fait perdre le respect de ses mandants. À la quatrième année de son mandat, il n’a toujours pas mis l’argent dans les poches des haïtiens et de la nourriture dans leurs assiettes tel qu’il l’avait promis ; le pays s’enlise dans une crise sociopolitique, l’économie connait une contraction, le pays se gangstérise, les institutions sont plus faibles que jamais. Le président Jovenel Moise a multiplié les dérives, agi en dehors de la constitution au point que certains lui prêtent des velléités dictatoriales. Mais en face, l’opposition a-t-elle proposé mieux ? S’il devait avoir une élection demain en Haïti, les haïtiens donneraient-ils le pouvoir à l’opposition ? Au cours de ces 4 ans, les adversaires des « Tet kale » ont tout fait : manifester, incendier véhicules et bâtiments, bloquer le pays pendant des mois à travers leur fameux « mouvement lock », mais aucune de ces stratégies n’a abouti aux résultats escomptés ; mais malgré tout, ils persistent à croire qu’elles peuvent encore être efficaces. Par-dessus tout, l’opposition est divisée et lave ses linges sales dans les medias à coup de dénonciations et d’accusations. Entre un exécutif qui abuse d’un super pouvoir sans parvenir à donner de vrais résultats et une opposition en panne de cohésion, de stratégie et de propositions convaincantes, les citoyens sont largués, indécis attendant peut-être le prochain opportuniste qui reproduira ce que tous les « papa tt d’un coup » ont toujours produit à la tête du pays. Luckner GARRAUDJournaliste Radio/Télé Métropole

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