Jean Bertrand Aristide démissionne et fuit Haïti

233

Jean Bertrand Aristide a démissionné dimanche de la présidence haïtienne et pris le chemin de l’exil sous la double pression d’une insurrection armée et de la communauté internationale qui devrait déployer une force de sécurité en Haïti, où la capitale est en proie au chaos. « Ma démission évitera un bain de sang », a expliqué Aristide, 50 ans, dans un texte rédigé en créole lu par son Premier ministre Yvon Neptune. « La vie pour tous, la mort pour personne », a souligné l’ex-président qui a signé sa lettre de démission devant des témoins. Il a ensuite quitté en avion son pays. Le Panama a décidé dimanche d’accorder un asile temporaire à l’ancien président haïtien à la demande des Etats-Unis, selon le ministre des Affaires étrangères, Harmodio Arias.Un responsable américain a démenti qu’il se soit rendu en République dominicaine comme l’avait dit dans un premier temps la présidence de ce pays. Les Etats-Unis ont « facilité » son départ dans « des conditions de sécurité ». La fuite de Jean Bertrand Aristide a provoqué des scènes de violences de ses partisans à Port-au-Prince. Autour du Palais présidentiel, des jeunes en armes, surtout dotés de pistolets, fusils, mais aussi de machettes, s’en sont pris aux voitures de journalistes, les seules à circuler, alors que de nombreux coups de feu résonnaient dans la ville. Au moins quatre personnes ont été tuées par balles dimanche dans la capitale haïtienne. Ces cadavres ont été aperçus notamment dans le quartier de Lalue, non loin du centre-ville. Les Chimères, milices armées d’Aristide, mais aussi la population se sont livrées à des pillages. Plusieurs centaines de détenus se sont évadés du pénitencier national de Port-au-Prince. Depuis le déclenchement début février d’une insurrection armée, une centaine de personnes sont mortes et plusieurs centaines blessées. Un des responsables de la police de Port-au-Prince a annoncé l’instauration par les forces de police d’un couvre-feu sur la capitale haïtienne, de 18h00 dimanche (23h00 GMT) à 06h00 lundi (11h00 GMT), afin de « rétablir l’ordre ». Les Etats-Unis vont envoyer en Haïti un contingent de Marines, comme premier élément d’une force internationale de sécurité, a déclaré le porte-parole du département d’Etat américain, Richard Boucher. Un détachement de quelque 200 Marines américains est parti dimanche de la base de Camp Lejeune en Caroline du Nord, selon le département de la Défense. Ils font partis d’un premier contingent de troupes américaines qui pourrait être rejoint ultérieurement par les membres d’une force de paix internationale, a-t-il ajouté. Les ambassadeurs américain et français, James Foley et Thierry Burkard, ont annoncé l’arrivée dans les jours à venir de troupes internationales, comprenant des unités américaines et françaises. La France a décidé dimanche d’envoyer un détachement militaire en Haïti afin d’assurer la sécurité de ses ressortissants. « La France a décidé d’envoyer un détachement militaire, de l’ordre de la compagnie, en Haïti, en coordination avec les Etats-Unis », a précisé la porte-parole de l’Elysée Catherine Colonna. « La France, par ailleurs, poursuit ses efforts pour mobiliser la communauté internationale en vue d’une solution de réconciliation nationale en Haïti », a-t-elle ajouté. Le Canada participera à une force multinationale en Haïti, a indiqué de son côté le ministre canadien des Affaires étrangères Bill Graham. L’un des dirigeants de l’opposition haïtienne, Evans Paul, a affirmé qu’il n’y avait plus aucune raison de refuser le plan international, rejeté mardi parce qu’il prévoyait un maintien au pouvoir d’Aristide jusqu’au terme de son mandat, en février 2006. Peu après le départ d’Aristide, le président de la Cour de cassation d’Haïti Boniface Alexandre a annoncé qu’il assurait l’intérim en vertu de la Constitution. « Le président Aristide vient de donner sa démission et conformément à ce qui est prescrit par la Constitution, l’intérim doit être assuré par le président de la Cour de cassation », a-t-il dit lors de sa prestation de serment, en présence des ambassadeurs français et américain. Il a exhorté la population haïtienne au calme. Le départ d’Aristide, qui domine la vie politique haïtienne depuis 1990 et a déjà exercé une première présidence de 1991 à 1996, entrecoupée d’un coup d’Etat militaire sanglant, a été accueilli favorablement à l’étranger. Le pape Jean Paul II a appelé les Haïtiens à avoir le « courage » de « prendre les décisions qui s’imposent pour le bien du pays ». La France a appelé à l’arrêt des violences. « La France appelle toutes les forces politiques de Haïti qui veulent le retour à la paix et qui refusent la la violence à se rassembler et à participer à la réconciliation nationale », a déclaré le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin. AFP

Publicité