C’est devenu la norme ; rares sont les mouvements revendicatifs qui ne sont pas violents. Peu importe le secteur, peu importe la raison, pour faire entendre sa voix, manifester pacifiquement n’est presque plus une option. Sans les barricades enflammées, sans les détritus déversés sur la chaussée, sans lancer des pierres sur des institutions publiques ou privées, sans casser les pares brises de véhicules ou encore sans les incendier, ce n’est pas une manifestation réussie dirait-on.Au début c’était la politique ; si les manifestations violentes ne datent pas d’hier, cette génération a vu leur consécration entre 2010 et 2011, quand des militants ont voulu porter Michel Martelly au pouvoir ; la ville des Cayes en porte encore les cicatrices. Et bien-sûr la pratique s’installe et devient la stratégie phare des opposants politiques. Aujourd’hui, c’est une arme aux mains de quiconque veut faire passer sa frustration ; des policiers aux étudiants en passant par les écoliers, le mode opératoire n’est pas différent, il faut laisser sa trace, il faut terroriser. Et après toutes ces années, la stratégie de « manifestation violente » a été revue et corrigée, l’on ne se contente plus de placer des barricades enflammées ou de briser quelques vitres lorsqu’on peut bloquer la circulation avec de gros camions ou encore incendier des véhicules.Depuis le début de cette année, l’état haïtien doit avoir perdu près d’une cinquantaine de véhicules, partis en fumée lors de différents mouvements de protestations. Mais évidemment l’état devra rester opérationnel et les matériels détruits devront être remplacés ; comme l’état ne travaille pas, l’argent proviendra forcement de la poche des contribuables.Dans le budget 20/21 le gouvernement prévoit de collecter 132 milliards de gourdes de recette domestiques et la DGI en a une grosse part sur les bras. Il n’y a pas de nouvelles taxes dans le décret de budget mais les impôts indirects ont presque doublé passant de 49 milliards de gourdes pour le précédent exercice à plus de 89 milliards. Les impôts indirects sont ceux qui ne font aucune décimation, tout le monde les paie à chaque achat, chaque consommation, peu importe le rang social. Alors brulez, détruisez parce que vous réclamez justice, parce que vous voulez des professeurs dans les salles de classes, parce que vous exigez la libération d’un proche ou tout simplement parce que vous avez fait un cauchemar durant la nuit… brulez, détruisez, l’état trouvera toujours un moyen de prendre l’argent dans nos poches pour tout remplacer.
La facture salée de l’ignorance ou de l’insouciance
Publicité