La protection des droits doit être le socle de la reconstruction en Haïti

Dans une lettre ouverte au président François Hollande à l’occasion de la visite officielle en France de son homologue Michel Martelly, les 20 et 21 février prochain, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) ainsi que trois autres organisations de défense des droits humains dont le RNDDH, invitent le président français à inscrire la protection des droits humains à l’agenda des discussions avec Michel Martelly. « Malgré d’importants efforts financiers de la communauté internationale, la justice haïtienne reste partiale et mal formée. 80% de la population carcérale est en détention préventive prolongée », notent les organisations de défense des droits humains, soulignant que « Jean-Claude Duvalier n’a toujours pas été jugé pour les crimes internationaux qu’il a commis lorsqu’il était à la tête de l’Etat. Par ailleurs, la mise en place du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) n’a pas réussi à garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, ni la diminution de la corruption, observent les organisations, appelant La France à apporter son soutien au renforcement de l’indépendance et des capacités de la justice haïtienne. La reconstruction d’Haïti, disent-elles, doit être basée sur la démocratie et les droits humains. Pour les organisations signataires, le phénomène de la corruption qui gangrène l’ensemble de la société haïtienne est dû à la faiblesse de l’Etat de droit et des institutions démocratiques. Les élections municipales et sénatoriales qui devraient avoir lieu depuis en 2011 ne sont toujours pas organisées. Les conseillers municipaux ont été nommés par arrêté présidentiel. Le sénat est toujours amputé d’un tiers, ce qui bien dès fois paralyse son fonctionnement. Fort de ce constat, les signataires préconisent l’organisation des élections au plus vite afin de renforcer les institutions démocratiques et de faire impasse à l’arbitraire. Les organisations de défense des droits humains rappellent que la France a un devoir moral d’accompagner Haïti dans sa marche vers la reconstruction. Non seulement parce que la France est un important bailleur d’Haïti, mais aussi et surtout parce que la France avait exigé des indemnités injustes que nos gouvernants du dix-neuvième siècle ont dû verser avec d’énormes sacrifices, font-elles valoir. Concernant cette affaire d’indemnité, en mai 2013 le Conseil Représentatif des Associations Noirs (CRAN), une fédération d’associations françaises de gauche basée à Paris, soutenu par le réseau « sortir du Colonialisme », avait assigné en justice La Caisse des Dépôts et des Consignations, une banque française, pour « crime contre l’humanité ». L’organisation reproche à cette banque d’avoir encaissé le tribut financier exigé à Haïti pour la reconnaissance de son indépendance face aux troupes napoléoniennes en 1804 et indemniser les « colons lésés ». Ce montant, selon Louis-Georges Tin, Président du CRAN, équivaudrait aujourd’hui à plus de 20 milliards de dollars. C’est cette rançon qui, selon Georges Tin, a précipité Haïti dans une spirale infernale qu’aujourd’hui encore, nous en ressentons les effets. Dans ses relations avec Haïti, la France a un statut de partenaire privilégié, rappellent les organisations. Ce statut de partenaire privilégié doit l’encourager à exprimer ses inquiétudes sur le déficit démocratique et de protection des droits humains en Haïti et à soutenir les autorités haïtiennes face aux défis de la corruption, de la justice, de la violence politique et de l’aide humanitaire. Les organisations soulignent que l’importante aide humanitaire déployée en Haïti suite au tremblement de terre a contribué à sauver des vies mais n’a pas permis de renforcer le tissu économique haïtien, ni de résoudre durablement la crise humanitaire. «150 000 personnes vivent toujours dans les camps et on assiste à la création de nouveaux bidonvilles, comme Canaan. Au cours de l’année 2013, les cas d’expulsions forcées se sont multipliés. De nombreuses victimes ont vu leurs biens brûlés et saccagés. » Elles appellent la France à dénoncer ces actes d’expulsions forcées et à soutenir des politiques publiques qui garantissent les droits des populations, en particulier le droit au logement. Le contexte d’accroissement d’actes de violence et d’intimidation à l’encontre de militants de la société civile est inquiétant, selon ces organisations, qui à cet égard, invitent François Hollande à soutenir la miseen place d’une enquête indépendante pour faire la lumière sur les circonstances de l’assassinat de Daniel Dorsinvil coordonnateur général de la Plate-forme des organisations haïtiennes des droits humains (POHDH), et de son épouse Girldy Larèche le samedi 8 février dernier. « La protection des droits humains doit être le socle de la reconstruction en Haïti, sans quoi elle ne sera pas durable et ne répondra pas aux besoins fondamentaux de la population. », concluent-elles. Signataires de la lettre :FIDH – Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme RNDDH – Réseau national de défense des droits de l’Homme CEDH – Centre œcuménique des droits humains LDH – Ligue des droits de l’HommeMJ/Radio Métropole

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