Qui n’a pas déjà entendu cette phrase en Haïti ? : « sil pasifik yo pap okipe nou ». Depuis quelques temps, c’est devenu le mot d’ordre, les revendications doivent être exprimées dans le seul langage que les autorités semblent comprendre selon plus d’un. Dans la population, le mot est dit et il est suivi. Pour réclamer le départ d’un président ou l’élection d’un candidat, des manifestants sont prêts à tout briser sur leur passage ; pour exiger de l’eau dans une zone, la construction d’un tronçon de route ou encore de l’électricité, la circulation est paralysée, des véhicules sont incendiés, des poteaux sont arrachés, bref la manière forte est toujours primée. Le phénomène a quitté la rue pour prendre place dans l’administration publique. De nos jours, les arrêts de travail, les mots d’ordre de grève, les manifestations d’employés sont monnaie courante et touchent presque tous les secteurs de la fonction publique. Dans le système judiciaire, n’ont pas encore fait la grève peut-être seulement les prisonniers. Juges, greffiers, huissiers, parquetiers, ils ont tous trouvé la formule pour faire réagir les autorités. Alors que la question a suscité un grand débat sur l’opportunité ou non pour la police de faire la grève, certains agents ont trouvé la stratégie pour contourner les règles et parvenir à faire passer leur revendication. Fantôme 509, à travers ses différentes sorties fracassantes, a su parler le langage que comprend l’état et a réussi à attirer l’attention du CSPN. Le secteur éducatif n’est pas en reste ; les professeurs, pour réclamer de meilleures conditions de vie et de travail emploient aussi le moyen fort. Certains manipulent des élèves pour tenir des manifestations violentes, d’autres punissent les écoliers en abandonnant les salles de classes, sans compter les grèves à répétitions. Combien de mouvements ont été organisées devant le ministère des affaires sociales par des contractuels avant que l’institution ne devienne depuis plusieurs semaines un vaste logement social occupé par ceux la même qui réclament 43 mois d’arriérés de salaire ? Le mot est dit, il est suivi et semble efficace. Combien de fois a-t-on vu les autorités haïtiennes se plier aux quatre volontés d’un groupe pour éviter les actes de violence ou les répercussions d’une grève. Les policiers révoqués par la direction générale en février 2020 sous recommandations de l’inspection générale n’ont-ils pas été réintégrés parce que les fantômes se sont énervés ? Pascal Alexandre n-a-t-il pas été libéré ? Ce n’est pas grâce à leur grève que les associations de magistrats ont eu satisfaction de certaines de leurs revendications et ont eu droit à des promesses pour d’autres ? n-a-t-on pas vu le ministre des TPTC déployer ses engins lourds sur la route de Jacmel après deux jours de paralysie de la circulation par des citoyens mécontents ? La liste est longue ; à chaque fois, les autorités attendent le pourrissement de la situation pour agir et ceux qui ont compris la leçon en profite largement. Luckner GARRAUDJournaliste Radio/Télé MétropolePublicitaire/MC
La violence et l’extrémisme, une pratique payante en Haïti
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