Du 19 novembre 2014 au 15 février 2015, le Grand Palais accueille à Paris l’exposition « Haïti deux siècles de création artistique ». Une invitation à entrer dans l’imaginaire haïtien à travers la peinture, la sculpture, la récupération, la vidéo, l’art contemporain… Mais aussi la littérature dans la boutique de l’exposition. Certains visiteurs nous font part de leur appréciation. « Je connaissais Basquiat ». « Je ne savais pas que Basquiat avait des racines haïtiennes ». « A part Basquiat que je connaissais… ». Si vous vous tenez à ces quelques commentaires en visitant l’exposition « Haïti deux siècles de création artistique » au Grand Palais (et ce jusqu’au 15 février 2015), le géant Basquiat vous paraitrait faire de l’ombre aux soixantaines d’artistes qui exposent près de cent-soixante-dix œuvres. Et pourtant, il n’en est rien. Car justement, c’est pour aller au-delà de Basquiat que des visiteurs viennent à la découverte de l’art haïtien au Grand Palais. .. Pour certains, la galerie est trop petite pour contenir deux siècles de création artistique. Ou peut être que l’enjambée est trop vaste. Mais les avis concordent après le parcours des sept sections de l’exposition où se côtoient des œuvres de styles différents : San tit yo, Peyizaj yo, Tètatèt, Chèf yo, Lespri yo, Tètatèt II et Tètatèt III. .. « It’s so colorful. C’est un peu étrange pour moi mais j’aime quand l’art peut choquer. Et je pense que l’art contemporain doit choquer », nous dit Jolita Ivanova, une lituanienne de passage à Paris dans le cadre du séminaire Courants du monde auquel FOKAL a parrainé deux participants. Elle fait partie de ceux qui connaissaient Jean-Michel Basquiat, artiste peinte d’origine haïtienne et portoricaine. .. Préfète Duffaut, qui a peint, après les tableaux d’Hector Hyppolite et de Castera Bazile, les premiers chefs-d’œuvre de l’art naïf haïtien, l’a captivée par son « sarcophage ». Ou encore la vidéo de Sasha Huber qui rend hommage aux disparus du séisme de janvier 2010. .. De Basquiat, on retrouve deux de ses œuvres : « She installs confidence and picks up his brain like a salad » et « King of the zulus ». Entre-temps, les tours se font et les conversations se croisent. Des bribes de conversation l’on entend des réactions sur l’originalité d’une pièce, la peur que peuvent provoquer des poupées vodouesques, les commentaires sur les drapeaux vodou….. Dans la section des « Chèf » un homme entame la conversation avec une femme en chaise roulante. « Tu connais quelques-uns. N’est-ce pas ? Oui, mais je ne connais pas tout. Enfin, tu connais quand même Toussaint Louverture ! dit-il face à des œuvres représentant des portraits du pouvoir politique et intellectuel haïtien. Bien sûr, répond Madame. » C’est un couple français habitant la région parisienne. Michel et Dominique. Pour Michel, « il y a beaucoup plus de diversité que ce que j’imaginais. Je connaissais l’art naïf…et là je découvre plusieurs autres formes d’expression. » De l’Eustache ou l’éloge de la complexité de Pascale Monnin, il s’exclame « j’ai trouvé ça magnifique ! ». .. Plus loin devant la vidéo de Sasha Huber, Dominique regarde en silence les corps qui se multiplient sur un lit de neige. Elle trouve cela assez surprenant. Comme la vidéo de Maksens Denis montrant un homme nu dans un écran entouré de barbelés, placé au milieu d’une projection de mains menottées sur les fesses. « C’est très très créatif et très intériosé…j’aime tout le côté merveilleux découvert ici. Et j’aime beaucoup les vidéos », conclut-elle. .. Passant du tableau d’André Pierre, représentant une cérémonie à Damballah à la pièce de Pierrot Balla composée d’articles récupérés comme des poupées, des perles et des tissus, l’on interroge Elisemet, une jeune française de Rouen, de passage à Paris. Ce qui la surprend c’est « le jeu des matières, la matière brute utilisée. » Elle trouve « extraordinaire la création qui se fait à partir d’une matière de la vie quotidienne et qui ouvre sur un imaginaire collectif » .. A la boutique de l’exposition, différents articles sont proposés aux visiteurs. Du rhum Barbancourt au chocolat peyi, en passant par des petites pièces artisanales en fer découpé, des magnets et surtout les livres ! La librairie dispose d’environ 100 références d’ouvrages : des Dany Laferrière, Kettly Mars, Lyonel Trouillot, Edwige Danticat… Une sélection qui ne couvre pas deux siècles de littérature mais assez représentative de ce que nous offrons également au monde. .. Pour certains Haïtiens qui ont fait le déplacement, voir Haïti exposé au Grand Palais ne se rate pas ! Wilfrid Azarde, étudiant en éducation au Québec, dit se reconnaitre dans les œuvres exposées. « La galerie des chefs d’Etat, les esprits, tout cela me rappelle une tranche d’Histoire du pays. Les gens qui ont réalisé ces œuvres connaissent vraiment le pays ». .. Lucianie Guirand, une Haïtienne vivant à Orléans, s’est entichée de l’art de la récupération. Le géant d’André Eugène, un Legba qui s’impose dans toute la galerie ne serait-ce qu’avec son sexe ne passe pas inaperçu. C’est un assemblage anthropomorphe de poutrelles, de sommeliers et d’autres débris. Au-delà de la superficie de la galerie, « Haïti deux siècles de création artistique » aura réussi un pari : présenter Haïti sous un autre jour, rendre un hommage aux artistes haïtiens pour leur créativité. Des hommes et des femmes qui peuvent partir de rien pour forger des œuvres reflétant aussi physiquement que symboliquement l’histoire et la culture d’Haïti et de ses origines. .. Pour un pays rendu célèbre aussi bien par le séisme de janvier 2010 que par Dany Laferrière et Michaëlle Jean, le Grand Palais a misé sur tout pour attirer les visiteurs: réseaux sociaux, site web, conférence de presse…des affiches sont mêmes placardées dans certaines stations de métro. Jusqu’à 17h, le 29 novembre dernier, 630 personnes avaient fréquenté la Galerie qui accueille l’expo sur Haïti. Environ 10 120 visiteurs l’ont déjà fréquentée entre le 19 et le 30 novembre. Et ce n’est qu’un début ! ..FOKAL
L’art haïtien ravit au Grand Palais !
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