
Ludovic Comeau Junior, docteur en sciences économiques et professeur d’université à Chicago (USA), attire l’attention sur l’impact de la crise économique américaine sur la vie économique en Haïti. Il rappelle que plus de 75 % du commerce extérieur d’Haïti sont orientés vers les Etats-Unis. « Les commandes de produits fabriqués en Haïti pour l’exportation vont diminuer à cause de la réduction probable de la demande américaine due à la perte de confiance chez les consommateurs américains, dont beaucoup font face à une baisse de leur pouvoir d’achat », estime M. Comeau qui fait aussi remarquer qu’Haïti est plus vulnérable à cause de la faiblesse endémique de son système économique. « Il n’existe pas de bourse de valeurs chez nous et Haïti n’est pas un acteur au sein du système financier international », argue-t-il tout en plaidant pour des efforts visant la stabilité, la modernisation et l’incitation aux investissements. Intervenant à la rubrique « Invité du jour » de radio Métropole à partir de San Francisco où il participe à la conférence annuelle de l’Association Américaine d’Economistes, le professeur Comeau a soutenu que la baisse déjà constatée dans les transferts de fonds effectués à partir de la diaspora, est due à la situation nouvelle de bien des membres de la communauté haïtienne aux Etats-Unis. « Des gens, qui ont été entraînés dans des prêts hypothécaires insoutenables et qui n’ont jamais pu ou ne peuvent soudainement plus répondre à leurs obligations financières, ont été dépossédés de leurs maisons », dit-il, soulignant que d’autres personnes, qui ne sont pas des victimes directes de la crise, adoptent une attitude conservatrice. « Ces compatriotes émigrés préfèrent intensifier leur épargne parce que l’avenir leur paraît incertain », explique t-il. Ludovic Comeau Junior a exprimé des réserves quant à la perspective d’instauration d’une taxe sur les transferts de fonds vers Haïti. « Il ne faut pas pénaliser ce support aux familles qui n’est pas une activité économique productive, mais plutôt un support indispensable à l’allégement de la pauvreté », lance M. Comeau, qui fait remarquer que ces fonds représentent une transfusion pour l’économie haïtienne. En fait, dans certains pays, l’Etat offre des incitations fiscales pour promouvoir les transferts destinés aux projets de développement. « Il y a deux ans la Banque Mondiale avait estimé à 1 600 millions de dollars environ les fonds transférés par la diaspora vers Haïti », informe-t-il. « Cependant, un tout dernier ouvrage présenté à la conférence par cette organisation révise cette estimation à la baisse pour la fixer à 1 200 millions de dollars environ », ajoute le professeur Comeau, qui est aussi l’auteur du roman historico-politique Bâtisseurs du lendemain (Editions Semences neuves, 2007). Interrogé sur les retombées positives de l’entrée en fonction de Barack Obama, M. Comeau met en garde contre toute euphorie. « M. Obama ne pourra pas tout résoudre pour nous. Il offrira à Haïti ce que le pays se mettra en mesure de recevoir de manière crédible », assure t-il, précisant que les Haïtiens doivent s’entendre pour élaborer des demandes concrètes et raisonnables.