Les rebelles haïtiens veulent faire plébisciter leur « armée »

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L’ancien officier de police Guy Philippe, chef des rebelles haïtiens, invite la population de Port-au-Prince à leur manifester son soutien en se rassemblant devant le palais présidentiel déserté depuis dimanche par Jean-Bertrand Aristide et désormais gardé par des troupes spéciales américaines. « Il faut que la population nous donne le mandat de lui procurer la sécurité. Quand nous disposerons de ce mandat, nous assumerons notre responsabilité », a-t-il déclaré à une radio locale en présentant ses forces hétéroclites, qui ont pris le contrôle la veille du QG de la police de la capitale, comme une « armée » nationale. Philippe a laissé entendre que ses hommes n’avaient pas l’intention de déposer les armes et de se fondre dans la population, contrairement à l’engagement pris peu après la fuite d’Aristide et au souhait des Etats-Unis. « L’armée n’a jamais été dissoute », a-t-il affirmé. Aristide avait décidé sa dissolution dans les années 1990 après une série de coups d’Etat militaire, confiant la responsabilité du maintien de l’ordre à une police mal équipée, qui n’a pas su résister à l’offensive lancée le mois dernier dans le nord du pays par les rebelles de Philippe dont beaucoup sont d’anciens militaires. Tandis que les renforts de soldats américains continuaient à affluer à Haïti pour former l’avant-garde des 5.000 hommes de la force internationale à laquelle le Conseil de sécurité de l’Onu a donné dimanche son feu vert, des centaines de rebelles armés sont désormais présents dans la capitale. Un semblant de vie normale avait repris mardi matin à Port-au-Prince, dont les soldats américains contrôlent, outre le palais présidentiel, l’aéroport et les installations de la garde-côtes. « PLUS STABLE QU’HIER », SELON RUMSFELD Mais on signalait encore des fusillades sporadiques et des pillages, notamment dans le secteur mal contrôlé du port, où les soldats américains ont déclaré n’avoir pu pénétrer en raison de la présence de barricades. « La situation d’évidence est plus stable et plus calme qu’hier », a déclaré à Washington le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, qui note que les rebelles « semblent avoir délibérément décidé de bien se comporter ». Il a estimé positif ce changement d’attitude, l’attribuant à la présence dissuasive de l’avant-garde des forces étrangères – 300 « marines », qui vont recevoir des renforts dans le prochaines heures, et une centaine de militaires français. Les Etats-Unis ont déclaré qu’ils tenteraient de mettre en place un conseil de gouvernement réunissant des personnalités haïtiennes de premier plan, pour tenter d’organiser rapidement des nouvelles élections, et que leurs forces s’efforceraient de désarmer les rebelles. Ceux-ci ont rencontré lundi dans un hôtel de luxe gardé par des hommes lourdement armés les représentants de l’opposition politique à Aristide, qui n’avaient pas soutenu le soulèvement. Rien n’a transpiré de ces tractations. Pour sa part, le successeur constitutionnel d’Aristide, le juge Boniface Alexandre, qui prêté serment dimanche, reste pour le moment invisible. Les miliciens armés fidèles à l’ancien régime se sont quant à eux fondus dans la population des bidonvilles de la capitale et leur mentor, réfugié provisoirement à Bangui, a dénoncé un « coup d’Etat diplomatique » des Etats-Unis dans une interview accordée à CNN. PORT-AU-PRINCE, Haïti (Reuters)

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