Cohabitation des rebelles avec la force internationale à Port-au-Prince

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Des milliers de Haïtiens ont accueilli lundi aux cris de « Liberté! » et « Aristide est parti! » un groupe de rebelles conduits dans Port-au-Prince par Guy Philippe, tandis que l’avant-garde franco-américaine de la force internationale de paix se déployait pour sécuriser les sites clefs de la capitale.Quant au président Jean-Bertrand Aristide, au lendemain de sa démission et de son départ précipité, il attendait à Bangui, la capitale centrafricaine, de trouver un pays d’accueil. Ce pourrait être l’Afrique du Sud. Le président de la Cour suprême haïtienne, Boniface Alexandre, assure l’intérim.Sa désignation semble acceptée par les rebelles. Leur chef, l’ancien militaire et policier du Nord Guy Philippe a affirmé à l’agence Associated Press (AP) qu’il avait quitté les Gonaïves (nord-ouest) pour Port-au-Prince afin de « s’assurer que le palais était nettoyé pour la venue du président (…) et qu’il n’y avait pas de menace là-bas ». Winter Etienne, autre commandant des insurgés, a assuré que les rebelles désarmeraient après la formation d’un nouveau gouvernement.L’arrivée des miliciens sur la place du Palais national a été saluée par une foule en liesse, alors que dans la résidence une poignée de marines américains gardaient leurs distances.Guy Philippe s’est en tout cas félicité du déploiement d’une force internationale. De son côté, le chef des quelque 150 marines arrivés dimanche soir, le colonel David Berger, a déclaré n’avoir « aucune instruction en matière de désarmement » des rebelles; « nous gérerons avec la force adaptée les gens qui viendront s’interposer » avec la mission de sécurisation, a-t-il prévenu. En ce qui concerne le palais d’Aristide, il a déjà été pillé.Quelque 400 marines américains devaient se trouver en Haïti à compter de lundi soir, constituant, avec près de 300 gendarmes français, l’avant-garde de la force internationale de paix missionnée par les Nations unies. Le Conseil de sécurité a en effet donné son feu vert dimanche soir à l’envoi immédiat pour trois mois d’une force militaire chargée de rétablir l’ordre en Haïti.Pour le secrétaire d’Etat américain Colin Powell, il ne s’agit pas d’envoyer 20.000 marines comme pour le rétablissement d’Aristide en 1994. « Quelques centaines » de militaires devraient suffire à « donner un sentiment de sécurité » aux Haïtiens. Pour le président américain George W. Bush « c’est le début d’un nouveau chapitre de l’histoire » d’Haïti. La situation actuelle est « conforme à l’exigence du droit, à l’exigence de réalité, (elle) permet aujourd’hui d’avancer et, je l’espère, permettra à Haïti de retrouver le calme », a déclaré le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin. Paris et Washington ont promis leur aide à l’île.En attendant, des chefs rebelles se sont réunis lundi avec des membres de l’opposition anti-Aristide et de la police dans un hôtel de Port-au-Prince. On notait la présence d’Evans Paul, porte-parole de l’opposition mais aussi celle du rebelle Louis-Jodel Chamblain. Cet ancien co-dirigeant d’une milice paramilitaire, exécutrice des basses oeuvres de la junte qui avait renversé Aristide en 1991, est responsable de la mort ou de la mutilation de centaines de personnes. »Il y a des individus que nous ne voulons pas voir réintégrer la société civile en Haïti vu leur passé. Nous allons devoir nous en occuper », a prévenu Colin Powell.Pendant ce temps, Jean-Bertrand Aristide, accompagné par sa femme et quelques proches, se cherche une terre d’accueil. Premier président démocratiquement élu depuis l’indépendance de la colonie française il y a 200 ans, l’ancien « curé des bidonvilles » est tombé en disgrâce après la victoire électorale contestée de son parti en 2000 et l’enfoncement de son pays dans la pauvreté et la corruption. Il pourrait trouver asile en Afrique du Sud. AP

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