L’ONU prend la relève en Haïti en pleine crise

La force intérimaire (FIMH) déployée en Haïti depuis le départ du président Jean-Bertrand Aristide le 29 février passera le relais mardi à la mission de stabilisation de l’ONU, dans un pays où les factions n’ont pas désarmé, frappé en outre par une nouvelle catastrophe, des inondations meurtrières qui ont fait près d’un millier de morts. Une cérémonie symbolique est prévue pour marquer la fin du mandat de trois mois des quelque 3.600 soldats de la force multinationale sous commandement américain (environ 1.900 Américains, 1.000 Français, 500 Canadiens, 320 Chiliens) et le début de celle la Mission de stabilisation de l’ONU en Haïti (Minustah). Une quarantaine de soldats brésiliens sont arrivés dans l’île samedi. « Notre première mission ici est d’assurer la sécurité, puis nous y ajouterons la stabilité politique, économique et social », a déclaré le colonel Antonio Carlos Faillace. Quelque 150 autres sont attendus mardi, dont le général Augusto Heleno, qui prendra la tête de la mission onusienne. Le gros des forces brésiliennes -650 hommes- devrait arriver le 18 juin, précédé par quatre cargos de matériel lourd. La Minustah, chargée d’abord d’établir « un climat sûr et stable en Haïti » et de soutenir « le processus constitutionnel et politique (ainsi que) la défense des droits de l’Homme », comprendra au maximum 1.622 policiers civils et 6.700 militaires. Outre l’Argentine qui a promis jusqu’à 600 hommes, dix autres pays envoient des soldats et 22 autres des policiers, selon Toussaint Kongo-Doudou, porte-parole de la Mission. Mais, à la veille du transfert, la FIMH était surtout occupée à acheminer l’aide après les inondations de la semaine dernière, qui ont fait plus de 1.400 morts sur l’île d’Hispaniola, dont près d’un millier en Haïti. Plusieurs centaines de personnes sont encore portées disparues. Les Américains partiront d’ici la fin juin, pour l’Irak pour beaucoup, et moins d’une dizaine d’entre eux participeront à la Minustah. « D’un côté nous aurons le sentiment d’avoir accompli quelque chose, de l’autre cet endroit a besoin de tant choses », lâche le lieutenant-colonel Dave Lapan, porte-parole de la FMIH. Trois jours de pluies torrentielles ont provoqué inondations et coulées de boue qui ont détruit des villages entiers dans le sud-est d’Haïti, dans la zone rurale de Mapou, une semaine avant le début de la saison des ouragans qui risque de provoquer de nouvelles catastrophes. En quelques jours, les Américains, qui contrôlent les quelques hélicoptères capables d’atteindre les zones sinistrées, ont fait parvenir plus de 45.000kg de nourriture et eau potable. Ils ont aussi évacué les blessés de villes comme Mapou et surveillent les stocks d’aide alimentaire d’urgence, pour éviter le pillage. Bernard Gianoli, chargé d’évaluer la situation pour l’ONU, estime toutefois que « la distribution de vivres doit être améliorée » pour plus d’équité. Pour le lieutenant-colonel Lapan, « la solution à court terme serait que l’ONU et les autres (organisations humanitaires) aient leurs propres hélicoptères ». Si la présence étrangère a été fortement critiquée dans les premiers temps, voire considérée comme une occupation, la force multinationale est globalement acceptée à présent. Elle a notamment aidé à nettoyer les ordures, remettre les écoles en état, fourni du matériel et participé à des projets sanitaires et médicaux. Pour ce qui est de la stabilisation politique, dans un pays qui a connu 33 coups d’Etat en 200 ans, cela demande du temps. La Minustah soutiendra l’action du gouvernement de transition de Gérard Latortue, qui doit préparer des élections générales prévues pour l’an prochain. Le nouveau président devrait entrer en fonctions au plus tard le 7 février 2006, date à laquelle expirait le mandat de son prédécesseur. Quant à Jean-Bertrand Aristide, il a quitté la Jamaïque et est arrivé lundi en Afrique du Sud pour un exil qu’il dit provisoire. AP

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