Braquages et peur des gangs échauffaient les esprits des habitants de Port-au-Prince vendredi, alors que la pénurie d’eau potable et de nourriture se faisait durement sentir trois jours après le tremblement de terre qui a rasé une partie de la ville.A la tombée de la nuit jeudi, « des hommes ont fait irruption avec des machettes pour voler de l’argent aux habitants » du quartier Oloffson, sur les hauteurs de la capitale haïtienne, raconte à l’AFP Evelyne Buino, une jeune esthéticienne pour qui « tout ça ne fait que commencer ».Sa crainte vient de la destruction de la grande prison du centre qui a permis « aux pires truands de la ville de s’évader ».Située près du commissariat principal, la prison centrale est vide. Sa grande porte bleue en fer est toujours fermée. Mais un mur et son toit se sont effondrés. »Tous les grands bandits de la ville sont maintenant dans la rue. Ils pillent les gens. C’est un grand problème », explique un policier haïtien en faction, fusil à l’épaule, à quelques mètres du centre pénitentiaire.Vendredi matin, Radio Métropole diffusait des appels au calme. « Organisez des comités de quartier pour éviter les dérapages, pour empêcher que les gens pillent les magasins et les habitations », prêche l’animateur.La radio cherchait également « des gens volontaires pour protéger une entreprise qui distribue de l’eau potable à la population ». »Les gens sont affamés, assoiffés. Ils sont livrés à eux-mêmes. C’est de plus en plus dangereux. Il n’y a plus de police, les gens font ce qu’ils veulent », témoigne Léon Melesté, un religieux adventiste coiffé d’une casquette blanche « New York ». »Les habitants avaient des réserves pour quelques jours mais elles s’amenuisent. Ils ont peur d’aller dans le centre ville chercher de la nourriture parce que c’est devenu trop dangereux », explique Patricia Etique, une Suissesse qui partage sa vie entre son pays natal et Haïti. »Il y a beaucoup de tensions » dans le centre, aux abords du palais national, où des milliers d’habitants se sont rassemblés pour fuir les maisons dévastées ou menaçant de s’écrouler, ajoute-t-elle.Vendredi matin on y voyait un 4×4 déposer des corps sur un monceau de cadavres. Cette scène et l’odeur pestilentielle, a provoqué un mouvement de foule. Le véhicule a redémarré sur les chapeaux de roue avant d’être immobilisé: pris dans la tôle, son pneu a éclaté. »Le gouvernement nous bluffe. Il y a des millions de dollars qui rentrent en Haïti mais on ne voit rien. A la tête de l’Etat, un groupe d’amis se partage cet argent. Le pays va rester dans la merde pour longtemps », s’énerve Kassana-Jean Chilove, un jeune mécanicien qui a perdu sa fille dans le tremblement de terre.En cette fin de semaine, l’eau potable commence à manquer et les prix des denrées s’envolent.Avant le séisme, « on avait de l’eau en bouteille ou on la faisait bouillir. Mais maintenant on a ni gaz ni charbon et on ne peut plus la stériliser », dit Marie-José Carneli, une infirmière d’Oloffson dont le fils, Bryan-Michael, coincé sous les décombres, criait encore il y a quelques heures. »Et je ne peux rien acheter parce que mon argent est bloqué sous les décombres de ma maison », précise-t-elle devant une décharge de bouteilles en plastique où des cochons noirs sont à la recherche d’aliments.Plus bas, une dame vend des assiettes de pâtes. C’est 100 gourdes (2,5 dollars) la portion, contre 15 avant le séisme. »Les gens qui ont de la famille en province fuient la ville », explique Marie-José. Mais nous on ne connaît personne, alors on reste là ».AFP
Port-au-Prince: insécurité et colère augmentent avec la pénurie de vivres
Publicité