Port-au-Prince sombre dans l’anarchie, avec pillages et violences

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La capitale haïtienne Port-au-Prince sombre dans l’anarchie: les scènes de pillage se multiplient et les « chimères », les partisans armés du président Jean-Bertrand Aristide, armés de pistolets ou de couteaux, se montrent de plus en plus agressifs. Dans le centre-ville, de très nombreuses barricades étaient tenues par des militants du chef de l’Etat, notamment à proximité immédiate du grand palais présidentiel blanc entouré de grilles. Des règlements de compte ont eu lieu et plusieurs cadavres, dont un baignant dans une mare de sang, étaient visibles dans les rues, a constaté un journaliste de l’AFP. Aucune indication n’a pu être obtenue sur les auteurs des meurtres. Certains tués avaient les mains attachés dans le dos. Aucune présence policière n’était visible dans les rues de la capitale, où des coups de feu étaient entendus par intermittence. Haïti compte moins de 5.000 policiers, la plupart concentrés à Port-au-Prince. Les rares voitures circulant étaient l’objet d’attaques avec des pierres. « On a eu la chance d’en sortir vivant », raconte un automobiliste pris à partie à un barrage et qui n’a dû son salut qu’à une marche arrière engagée en catastrophe. Ceux qui sont arrêtés sont systématiquement rançonnés et souvent leur voiture est volée sous la menace. Les pillages qui ont commencé jeudi se poursuivaient vendredi au port de Port-au-Prince, selon le responsable de Haïti Terminal, Georges Roumain. Les conteneurs de ce terminal maritime étaient vidés de leur contenu et les marchandises diverses emportées par les pillards. Une station-service du groupe français Total, située dans le centre-ville au carrefour de Lalue et de la ruelle Nazon, a été partiellement incendiée par des inconnus. Deux pompes ont brûlé, selon des témoins. D’autre part, des individus ont pénétré vendredi dans l’université Quifqueya à Port-au-Prince, une des principales facultés privées du pays, et se sont emparés des armes des gardiens, selon l’un des responsables de cet établissement. Dans la banlieue sud de la capitale, de nombreuses barricades et des coups de feu ont été entendus au cours de la nuit. Des règlements de compte et des tentatives de cambriolage à main armée ont eu lieu dans plusieurs quartiers, selon des habitants contactés par l’AFP. L’entrepôt de l’anglo-néerlandais Shell, situé à Thor, au bord de la mer, a été attaqué dans la nuit par des hommes armés à la recherche d’argent et d’armes et les gardiens de la compagnie ont dû fuir à la nage pour sauver leur vie. En raison de l’insécurité régnant dans la capitale, la direction de la compagnie Air France à Port-au-Prince a annoncé vendredi la suspension de ses vols sur Port-au-Prince jusqu’à nouvel ordre. En temps normal, la compagnie a deux vols par semaine sur la capitale, escale entre Miami (Etats-Unis) et les Antilles françaises. Les violences en Haïti ne sont pas limitées à la capitale. A Cayes-Jacmel, à l’est de Jacmel, à 83 km au sud-est de Port-au-Prince, le commissariat local a été incendié jeudi soir ainsi que le tribunal de paix par des opposants locaux armés se réclamant du Front de résistance de Guy Philippe. Ce Front contrôle la moitié nord du pays. La route menant à Cayes-Jacmel était couverte de barricades érigées par les opposants anti-gouvernementaux du chef local, un certain « Rochelle », pour bloquer toute tentative de partisans armés du chef de l’Etat venant de Jacmel de reprendre le contrôle de la petite ville, selon des habitants. Aux Cayes (troisième ville d’Haïti à 200 km au sud-ouest de la capitale), tombée jeudi aux mains d’opposants armés, des affrontements étaient signalés avec des éléments fidèles au président Aristide commandés par un certain « Ti-Pistole ». Ces opposants tentent de reprendre le contrôle de la ville avec l’aide d’un hélicoptère et de renforts venus notamment de Miragoane, port proche, toujours entre les mains du gouvernement.

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