Morzine-Avoriaz (Haute-Savoie). A chaque rencontre, on ne cesse de lui réclamer le récit de son aventure. Vendredi 3 septembre, à l’université d’été de l’UMP, le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, Renaud Muselier, a été accueilli en héros. Alors il raconte, encore un peu éberlué, la fusillade qu’il a essuyée, le 30 août, en visite officielle à Haïti, ce « mauvais film d’Indiens et de cow-boys » dont il se serait bien passé d’être le héros. « Nous visitions des travaux dans un hôpital d’un quartier chaud, dit-il. On venait de sortir dans une cour quand les premiers coups de feu ont claqué. On s’est vite rendu compte qu’on était encerclé. » Les assaillants ? « Les « chimères » du président Aristide », affirme-t-il sans hésiter. Les partisans de l’ancien chef d’Etat haïtien, explique-t-il, ont lancé une guérilla contre la force multinationale de l’ONU. L’escorte ministérielle – un policier, deux gendarmes et quelques soldats haïtiens – prend position. Les forces brésiliennes de l’ONU, en mission de pacification dans l’île, sont appelées à l’aide. Elles mettront près d’une heure et demie à dégager les assiégés. Le temps de se laisser gagner par l’angoisse, de craindre pour sa vie. « Ceux qui m’accompagnaient ont été très professionnels, affirme néanmoins le ministre. Personne n’a paniqué. » Il poursuit son récit. L’hôpital s’est maintenant changé en camp retranché. Les défenseurs occupent les hauteurs pour riposter. Les agresseurs laisseront deux morts derrière eux. « Il y avait trois ou quatre groupes d’une cinquantaine d’hommes, raconte M. Muselier. Ils alternaient les tirs au pistolet-mitrailleur et les jets de caillasse, et ils se rapprochaient de plus en plus… » C’est alors que son officier de sécurité lui annonce, embarrassé : « Monsieur le ministre, nous n’avons bientôt plus de munitions… » Les Brésiliens arrivent peu après. On l’évacue dans une voiture blindée. « Haïti, je m’en souviendrai ! »,lance en riant le secrétaire d’Etat, glissant, avec un brin de fierté : « Un ministre qui se fait tirer dessus en voyage officiel, ça fait combien de temps que ça n’était pas arrivé ? » L’épisode lui a valu les appels de réconfort de Jean-Pierre Raffarin et de Michel Barnier – et, à Avoriaz, une salve… d’applaudissements. Le Monde, 5 septembre 2004
Renaud Muselier, le rescapé, se souviendra d’Haïti
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