René Théodore , un politique hors du commun

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C’est une figure emblématique de l’opposition au régime des Duvalier qui s’est éteinte le dimanche 1er juin 2003, à Miami , à l’hôpital Jackson Memorial , emporté par un cancer aux poumons. René Théodore, 62 ans, ancien secrétaire général du Parti Unifié des Communistes Haïtiens (PUCH) a consacré toute sa vie, toute sa jeunesse à lutter pour le renversement de la dysnatie des Duvalier qui a dirigé Haïti de 1957 à 1986. On se souvient encore des émissions de Radio Paix et Progrès présentées depuis Moscou par René Théodore surnommé » Lesly « . A l’époque, pour écouter ces nouvelles sur ondes courtes, les haïtiens devaient s’assurer qu’ils étaient les seuls auditeurs. Autrement dit, à l’abri de tout soupçon des sbires des Duvalier. A la faveur de la débâcle du régime en 1986, René Théodore est rentré triomphalement en Haïti. Avec l’aide de plusieurs camarades, le parti est enfin installé au pays mais l’effondrement en 1989 de l’Union Soviétique allait porter le communiste à réorienter sa stratégie. Avec Max Bourjolly et Rosny Mondestin, René Théodore fonda en Haïti le Mouvement pour la Reconstruction Nationale (MRN). Apprécié par la presse, ami de la liberté d’expression, défenseur farouche du pluralisme idéologique et politique, ce natif de Ouanaminthe (Nord-Est d’Haiti ), fils de Hébert Théodore dont le père Davilmard Théodore fut Président de la République, ne pardonnera pas même après sa mort Jean Bertrand Aristide à qui il reprochait la dérive dictatoriale qu’il voulait donner au pays. Homme serein, intègre, méthodique, intellectuel émérite, maitrisant plusieurs langues, sympathique, sage, tout ceci a fait de lui un politicien exemplaire qui a su garder son calme même lors du conflit qui allait scinder le parti MRN en deux branches. Depuis quelques temps, il s’adonnait aux affaires, propriétaire d’une entreprise de fabrication de yogurt et de fromage en difficulté, pour subvenir aux besoins de sa famille. Mais en tant que politique, René Théodore a toujours rêvé d’une Haïti aux haïtiens, indépendante et prospère. Face à la crise actuelle, la Résolution 822 de l’OEA n’est pas perçue par René Théodore comme une panacée. Le dirigeant du MRN avait de son vivant plaidé en faveur de la concertation, du dialogue pour sortir le pays de l’impasse . Pour avoir consacré toute sa vie à lutter pour Haïti, René Théodore n’a pas su récolter les fruits de tant de labeur. Au contraire, il a plutôt récolté une certaine indifférence de la population haïtienne. 17 ans après son long retour d’exil et jusqu’à sa mort, il n’ a jamais occupé de poste important en Haïti. L’histoire retiendra que René Théodore a été candidat malheureux à la présidence en 1987 et en 1990. Il n’a pas plus réussi à deux (2) reprises dans la course à la Mairie de Port-au-Prince. L’histoire retiendra aussi que le camarade est passé à deux (2) doigts du poste de premier ministre . Il a été désigné en 1992 par Jean Bertrand Aristide, alors en exil , pendant le coup d’état et avait reçu le soutien des Etats-Unis et de l’OEA. En cette année 1992, il avait falli perdre sa vie lorsque les militaires abattirent son garde du corps lors d’une réunion de concertation pour mettre sur pied un gouvernement de consensus . Il épousa la même année l’architecte Sabine Malebranche qui lui donna deux (2) enfants de plus après son premier mariage en Union Soviétique. René Théodore est parti avec tous ses rêves de socialiste pour Haïti ou encore pour Port-au-Prince, laissant un pays rongé par les querelles intestines, meurtri, divisé et surtout en proie à une longue crise politique.

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