Le juriste français Louis Joinet, expert indépendant de l’ONU qui s’est rendu en Haïti pour évaluer la situation des droits de l’homme, s’est alarmé vendredi de l’impunité dont bénéficient des groupes de miliciens armés ainsi que de la dégradation de la situation des médias. M. Joinet a séjourné du 21 au 29 septembre en Haïti à l’invitation du gouvernement haïtien, en vertu d’un mandat de la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Il présentera son rapport, lors de la prochaine session de la Commission, au printemps 2003. Le juriste français a recommandé aux autorités d’agir fermement pour que « les groupes armés plus ou moins structurés obéissent » au Programme national de désarmement lancé il y a près d’un an. Il s’agit, a dit M. Joinet à l’AFP, de « neutraliser les activités quasi publiques de certains leaders armés connus qui bénéficient d’une impunité quasi quotidienne et se comportent de plus en plus en électrons libres ». « Si l’on n’y prend garde, ils risquent à moyen terme de destabiliser les institutions politiques », a-t-il relevé. La remise des armes « est une opération extrêmement compliquée ». « C’est un peu comme désarmer dans d’autres pays les escadrons de la mort », a-t-il noté. En Haïti, ces miliciens sont appelés les « attachés ». M. Joinet a dénoncé « la dégradation, y compris pendant son séjour, de la situation des médias, deux radios ayant été de facto fermées » fin septembre. On peut craindre, a-t-il dit, que « demain le journaliste critique n’ait d’autre choix en Haïti que l’auto-censure, l’exil ou la mort ». « La presse, et plus généralement la liberté d’opinion et d’expression, sont l’objet de persécutions », a-t-il dit. Il a évoqué également la « situation particulièrement difficile » des organisations de droits de l’homme et les limites au droit de manifester pacifiquement. M. Joinet s’est rendu notamment à la prison de Gonaïves (nord-ouest), où il a constaté qu’un mur avait été défoncé en août lors d’un assaut avec l’aide d’un bulldozer. Plusieurs anciens militaires et paramilitaires condamnés en 2000 au procès du massacre de Raboteau, aux Gonaïves (15 morts en 1994), ont pu s’enfuir. Ce procès avait été « le signe positif d’un démarrage de la lutte contre l’impunité », a-t-il rappelé. « Aujourd’hui aux Gonaïves, il n’y a plus de justice parce qu’il n’y a plus de palais de justice, brûlé comme les locaux des partis. J’ai rencontré le commissaire du gouvernement (procureur) sous un amandier. Il n’y a plus un seul bureau. Aujourd’hui le paradoxe est que les juges sont dehors et les prisonniers aussi ». M. Joinet a demandé que les juges, procureurs et administrateurs pénitentiaires « qui ne courbent pas l’échine » soient « encouragés, promus et non neutralisés ». AFP , Genève, 4 oct. 2002
Un expert de l’ONU s’alarme de l’impunité des groupes armés à Haïti.
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