Aristide dit avoir quitté Haïti contre son gré, démenti des USA

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L’ancien président haïtien Jean-Bertrand Aristide a déclaré lundi avoir quitté son pays contre son gré sous la pression des Etats-Unis, des allégations qualifiées de stupidités par des responsables américains. Aristide a rejeté les affirmations de Washington selon lesquelles il serait parti volontairement, accusant les forces américaines d’avoir perpétré une sorte de coup d’Etat. Il a comparé en outre son départ « forcé » à un enlèvement. « Ils m’ont menti, et il se peut qu’ils vous mentent à vous aussi », a-t-il déclaré dans un entretien téléphonique accordé à CNN depuis la République centrafricaine, qui lui a offert un asile temporaire. « Personne ne devrait forcer un président élu à partir pour éviter un bain de sang. » L’administration Bush a rejeté pour sa part ces accusations. « Les allégations selon lesquelles nous aurions en quelque sorte enlevé l’ancien président Aristide sont dénuées de tout fondement, complètement absurdes », a déclaré le secrétaire d’Etat américain Colin Powell. Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et le général Richard Myers, chef d’état-major interarmes, ont formellement démenti qu’Aristide ait été forcé à partir et Scott McClellan, porte-parole de la Maison blanche, a qualifié ces accusations de « totale absurdité ». Mais Aristide a insisté sur la véracité de ses dires. « Je vous dis la vérité », a-t-il déclaré. « UN COUP D’ETAT MODERNE » Prié de revenir sur les allégations selon lesquelles il aurait été enlevé, Aristide a déclaré, selon une transcription de l’entretien fournie par CNN: « Comme je l’ai dit, j’appelle cela un coup d’Etat moderne, un enlèvement moderne. » Interrogé sur l’identité de ses ravisseurs présumés, Aristide a répondu: « Des forces en Haïti. Ce n’était pas des forces haïtiennes. Elles étaient (inintelligible) et composées de Haïtiens et d’Américains, et elles ont encerclé l’aéroport, ma maison, le palais (présidentiel). « Ensuite, malgré toutes les conversations diplomatiques, malgré tous les efforts diplomatiques que nous avons déployés pour les empêcher d’organiser ce massacre, qui pouvait aboutir à un bain de sang, nous avons dû partir, et passer 20 heures dans un avion américain. « On ne savait pas, en plus, où on nous forçait à aller, jusqu’à ce qu’on nous dise, 20 minutes avant d’atterrir, qu’on arrivait en République centrafricaine. » Son épouse, une Américaine, s’est vu intimer l’interdiction de regarder par les fenêtres de l’avion. « Vous ne pouvez pas vous imaginer une situation aussi horrible », a-t-il dit. Quand un journaliste lui a lu sa lettre de démission, Aristide a affirmé que cette dernière avait été altérée. « Ce n’est pas exact. Ils ont enlevé la phrase où je disais ‘Si je suis obligé de partir pour éviter un bain de sang’. Ils l’ont enlevée du document. C’est pour cela qu’ils vous mentent, en vous donnant un faux document », a déclaré Aristide. « Ces gens mentent. » Auparavant, des élus américains favorables à Aristide avaient déjà évoqué ces accusations, qu’il avait formulées dans des conversations avec eux. LONGUES NEGOCIATIONS POUR TROUVER UN PAYS D’ASILE Ainsi, le représentant démocrate Maxine Waters et Randall Robinson, ancien dirigeant du groupe de pression noir TransAfrica ont déclaré à la radio publique américaine qu’Aristide les avait appelés de Bangui. « Il a été emmené de force de sa résidence en pleine nuit, embarqué contre son gré dans un avion et emmené sans savoir où il allait. Il a été enlevé, il n’y a aucun doute là dessus », a dit Robinson. « Le président m’a demandé de dire au monde qu’il s’agit d’un coup d’Etat, qu’ils ont été enlevés ». Cependant, le représentant démocrate Charles Rangel, membre comme Waters du Caucus noir du Congrès, a déclaré après s’être entretenu par téléphone avec Aristide que ses allégations de « kidnapping » étaient « subjectives ». « Ils ont suggéré avec insistance qu’il quitte la ville. Les militaires l’ont aidé à prendre la décision », a dit Rangel à des journalistes tandis qu’une délégation du Caucus noir rencontrait le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan pour discuter de Haïti. « Le président Aristide a le sentiment que c’était un coup d’Etat, il a l’impression qu’il a été kidnappé, que les autorités américaines lui ont dit qu’elles ne pouvaient plus protéger sa vie », a expliqué Rangel. Powell a expliqué que le pays où Aristide aurait préféré aller n’avait pas voulu de lui, de sorte que les autorités américaines avaient entrepris de longues et délicates négociations avec différents pays qui ont débouché sur un accord avec la République centrafricaine. « Une quinzaine de membres de sa sécurité personnelle l’ont accompagné de son domicile à l’aéroport, dans l’avion, aux escales de ravitaillement et jusqu’en République centrafricaine. Et c’est ce qui s’est passé, n’en déplaise à ceux qui disent le contraire en se basant sur des conversations téléphoniques », a dit Powell à des journalistes. WASHINGTON (Reuters)

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