Brouille entre le Premier ministre haïtien et les pays des Caraïbes

252

De vives tensions marquent les relations entre la Communauté des pays de la Caraïbe (Caricom) et le nouveau Premier ministre haïtien Gérard Latortue, absent d’un sommet de deux jours de cette organisation consacré à Haïti, qui s’est ouvert jeudi à Saint-Kitts. Gérard Latortue va « vite apprendre la différence entre être un Premier ministre à la tête d’un gouvernement et un citoyen privé vivant en Floride », a déclaré le ministre jamaïcain des Affaires étrangères, K.D. Knight, faisant allusion à son long séjour dans le sud-est des Etats-Unis avant sa nomination. La Caricom reproche notamment au nouvel homme fort d’Haïti, après le départ le 29 février de l’ancien président Jean Bertrand Aristide, des déclarations virulentes à l’égard de l’organisation régionale. Après l’accueil réservé le 15 mars à l’ex-chef d’Etat par la Jamaïque, Gérard Latortue avait rappelé l’ambassadeur haïtien à Kingston et menacé de rompre ses relations avec la Caricom, présidée par le Premier ministrejamaïcain Percival Patterson. Le Premier ministre de Saint-Kitts, Denzil Douglas, a réclamé qu’il revienne sur ses déclarations. Depuis, aucune communication n’a eu lieu entre Port-au-Prince et la Caricom, selon des responsables de cette organisation. Si les Etats-Unis et la France, qui ont poussé au départ d’Aristide, ont d’emblée reconnu le nouveau gouvernement haïtien, il n’en a pas été de même avec la Caricom qui compte 15 membres de droit et cinq membres associés. L’un des enjeux du sommet de Saint-Kitts est cette possible reconnaissance. La France entend conforter le pouvoir du nouveau Premier ministre avec une visite prévue de son ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, le 1er avril. Les pays de la Caraïbe ont très mal vécu l’éviction d’Aristide. Ils s’étaient mobilisés au début de la crise pour proposer un plan de règlement prévoyant un partage du pouvoir entre le chef de l’Etat et l’opposition. En février, ils avaient réclamé en vain à l’ONU l’envoi de troupes étrangères en Haïti, alors pour moitié sous le contrôle d’insurgés.De facto, ces troupes auraient préservé le pouvoir d’Aristide. Les Etats-Unis et la France notamment ne l’ont pas voulu. Mais dès l’éviction d’Aristide, le Conseil à l’unanimité votait une résolution autorisant le déploiement d’une force étrangère en Haïti. « Nous sommes peut-être petits en taille » et en « pouvoir militaire », « mais notre influence dans l’hémisphère ne peut pas être sous-estimée », a souligné jeudi le Premier ministre jamaïcain. « Nous ne croyons pas possible une solution permanente en Haïti sans une implication de la Caricom », a-t-il ajouté. La Caricom reproche aussi à Gérard Latortue son attitude conciliante à l’égard des insurgés armés de Guy Philippe qui ont contribué au départ d’Aristide. « Nous ne voulons pas qu’Haïti soit isolé », a souligné K.D. Knight. Mais pour cela, a-t-il ajouté, il faut que le Premier ministre haïtien arrête de s’afficher avec « des rebelles, des criminels condamnés qui s’affirment commedes dirigeants ». Selon le Washington Post, les Etats-Unis ont eux aussi récemment fait savoir à M. Latortue qu’ils n’avaient pas aimé les termes de « combattants de la liberté » employés à l’égard des rebelles. Au lendemain du départ d’Aristide, la Caricom avait réclamé une enquête indépendante sur les conditions de son éviction, rejetée par Washington. Comme l’Union africaine et l’Afrique du Sud, qui a décidé d’accorder un asile permanent à Aristide à partir de la mi-avril, selon des diplomates à Saint-Kitts. BASSETERRE (Saint-Kitts), 25 mars (AFP)

Publicité