Crise haitienne; le vent est-il en train de tourner ?

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Ce n’est pas l’opposition politique qui était dans les rues dimanche pour dire non à l’insécurité, au Kidnapping ou encore à la dictature. Ce n’étaient pas non plus les traditionnelles manifestations où l’objectif premier de certains participants était de ne pas rentrer à la maison les mains vides. C’est plutôt une fraction représentative de la société haïtienne dans sa diversité et sa globalité qui a répondu à l’appel d’une frange du secteur protestant pour cette démonstration de force. Si pendant longtemps, certaines catégories de gens voulaient rester loin de ses mouvements de protestations, leur présence sur le macadam dimanche pourrait marquer un tournant dans cette mobilisation aux multiples objectifs. Parmi les différentes revendications, il y a l’insécurité qui demeure une réalité commune entre tous les haïtiens. A présent, la préoccupante question est de savoir pendant combien de temps les politiques vont accepter d’être des participants et non les initiateurs ; n’a-t-on pas vu les résultats quand l’opposition avait récupéré le mouvement citoyen sur le dossier PetroCaribe ?  

Alors que durant les 4 premières années de son quinquennat, le président Jovenel Moise  semble avoir eu le soutien infaillible de l’administration américaine, ces derniers jours, certains signes laissent entrevoir un changement de paradigme avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche. Désormais, les tweets concernant Haïti sont quasi quotidiens sur le compte de l’ambassade américaine ou ceux de certains officiels du département d’état, et ce n’est pas pour féliciter le travail de l’exécutif. Si pendant longtemps, le retard dans l’organisation des élections législatives était la seule préoccupation de l’Oncle Sam, elles sont maintenant nombreuses. La liste  va de certaines décisions administratives prises par le pouvoir en place, telles que l’envoie à la retraite de trois juges de la Cour de Cassation et leur remplacement jusqu’à la création de nouvelles institutions comme l’Agence Nationale d’Intelligence. Comme si les canaux de communications directs entre l’ambassade américaine et le Palais National n’étaient plus efficaces, c’est en public, via les réseaux sociaux que les Etats Unis expriment leurs désaccords.  

Le président Jovenel Moise de son côté met en œuvre ses projets et serait même en train de gagner en confiance ces derniers jours à entendre ses récentes déclarations. De plus en plus menaçant dans ses propos, le chef de l’état est convaincu qu’il peut faire tomber ce qu’il appelle les gardiens du système, des oligarques corrompus. Pour avoir recherché et obtenu une certaine légitimité de la communauté internationale qui le considère encore comme le seul chef d’état en Haïti, il ne fait preuve d’aucune hésitation et avance vers sa réforme constitutionnelle et des élections générales.  C’est donc désormais une course contre la montre pour un président qui veut prouver qu’il a raison alors que de l’autre côté, de nouveaux convertis rejoignent les rangs de ceux qui pensent qu’il n’y a plus rien à sauver.

Luckner GARRAUD

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