Haïti-Théâtre: «La population a aussi besoin de nourriture pour l’âme»

Apporter un moment de joie et de réconfort aux déplacés de Port-au-Prince, les aider aussi à se libérer de leurs angoisses alors qu’ils ont souvent tout perdu dans le séisme du 12 janvier, tel est le but d’un projet théâtral soutenu par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), avec le concours de la compagnie de rue haïtienne Zhovie.Celle-ci a donné une première représentation dimanche 11 avril de sa pièce « Zonbi Lage » devant plusieurs milliers de personnes dans un camp de la capitale haïtienne. Ce spectacle, le premier organisé dans un camp provisoire depuis le tremblement de terre, met en scène les grands mythes de la culture haïtienne, avec des références au Vaudou en particulier. Il comprenait plusieurs chansons du répertoire traditionnel qui ont été reprises par la foule. Le camp d’Acra abrite environ 20.000 personnes dans des tentes et des cabanes de fortune sur l’avenue Delmas, l’artère principale de Port-au-Prince.«Cette pièce de théâtre a pour but d’offrir aux victimes du tremblement de terre, et en particulier aux jeunes, un moment thérapeutique », explique ainsi Jean Joseph, un comédien de la troupe qui enseigne la philosophie dans un lycée de la capitale. « Si on veut aider les gens, il ne suffit pas de leur donner à manger. De même, il n’y a pas que la santé physique, il y a aussi la santé mentale. En tant que comédiens, nous devons aider toutes ces personnes déprimées et désespérées, et tenter de leur redonner espoir. Un souvenir positif, un moment d’humour, peut nourrir une personne pendant des mois », estime le professeur et comédien amateur.Créée en 2004, Zhovie est une troupe de théâtre de rue comptant 14 comédiens et trois percussionnistes. Son spectacle « Zombi Lage » évoque le séisme au travers d’extraits de texte de l’écrivain haïtien Frankétienne, Artiste de l’UNESCO pour la paix. La pièce fait apparaître des divinités du culte vaudou comme Baron Samedi, le maître des morts, ou un personnage tel que celui du zombie, mort-vivant asservi.Cette représentation théâtrale avait une vocation à la fois thérapeutique, cathartique, et « psychosociale », c’est-à-dire tenant compte des liens entre l’individuel et le collectif. L’appui psychosocial vise à prévenir et soulager les blessures morales consécutives aux catastrophes ou événements violents.Outre un soutien matériel certes essentiel, l’art et la culture peuvent en effet aider les Haïtiens à aller mieux et à surmonter le traumatisme qu’ils ont subi. Ils redonnent un sens de normalité malgré les conditions de vie difficiles dans les camps. L’art et la culture constituent par ailleurs des éléments de cohésion sociale importants et une forme de soutien moral aux déplacés, estime l’UNESCO. La culture redonne aussi un fort sens d’identité et d’appartenance, ces deux éléments étant des facteurs de rétablissement dans des circonstances difficiles.La Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, Asha-Rose Migiro, qui était présente à la représentation, a rappelé que «la population avait aussi besoin de nourriture pour l’âme». La troupe est désormais très sollicitée et l’UNESCO prévoit de parrainer une série de représentations dans d’autres camps de déplacés.N/ Radio Métropole Haïti

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