La rentrée des classes, c’est dans moins d’une quinzaine. Et comme au début de toute nouvelle année académique, l’inflation et la grogne populaire gagnent du terrain. Les responsables ? “Mais ce sont ceux qui augmentent les frais scolaires et ceux qui les regardent faire, sans broncher !”, tonne le père d’une famille de trois enfants en bas âge. « Toujours la même rengaine à chaque rentrée scolaire. Les directeurs d’écoles exagèrent et l’Etat qui regarde, sans rien faire ! ». Dans la longue file d’attente menant à l’entrée d’un magasin de fournitures scolaires très achalandé du centre-ville de Port-au-Prince, des femmes de tous âges devisent, à grand renfort de gestes. « La fréquentation scolaire va encore baisser cette année, c’est évident !», se lamente Jasmine, une femme au visage émincé, mère de quatre enfants. Il fait très chaud et ballotée au gré du sac et ressac de la file d’attente, elle éponge son visage avec une petite serviette qu’elle tord de temps à autre pour en exprimer la sueur. « Il en coûte de plus en plus cher, chaque année, pour envoyer nos enfants à l’école », poursuit-elle. Son mari, un maçon dans la quarantaine, a rangé sa truelle depuis plus de trois mois. « Il n’a plus de chantiers et avec mon petit commerce de gaz blanc, on arrive difficilement à joindre les deux bouts ». Dans un communiqué publié ce lundi, le ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) a réitéré son interdiction formelle de réclamer dans les écoles publiques, sous peine de sanction, des frais scolaires autres que ceux autorisés par la circulaire ministérielle du 8 aout dernier. Selon la circulaire, aucun frais ne doit être réclamé pour les 1er et 2ème cycles du fondamental, de la 1ère à la 6ème année fondamentale qui sont prises totalement en charge par l’Etat dans le cadre du Programme de scolarisation universelle, gratuite et obligatoire (PSUGO). Pour le 3ème cycle du fondamental et le secondaire, les élèves devront verser deux cent cinquante (250) gourdes seulement. Dans certains cas, un frais additionnel de cent cinquante (150) gourdes peut être demandé pour couvrir d’autres dépenses liées à des activités pédagogiques et parascolaires. Les nouvelles dispositions prises par le ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) et relatives aux frais de contribution scolaire ne concernent que les écoles publiques. Les écoles privées ont, elles, tout le loisir d’y surenchérir, impunément, et au grand désespoir des parents. “Les frais scolaires sont en hausse dans toutes les écoles privées, sans exception et de plus de 20% dans la plupart des cas. C’est scandaleux !” dénoncent plusieurs dirigeants de syndicats d’enseignants et d’organisations communautaires de base (OCB). Largement commentée dans les tribunes téléphoniques, cette situation de l’avis de Mme Francois, une mère de famille monoparentale dans la trentaine avancée, “ne semble aucunement émouvoir les dirigeants de ce pays”.Et pourtant, une loi sur les frais scolaires a été votée par le Parlement en septembre 2009. Cela fait exactement quatre ans que le père de cette loi, le sénateur Kelly Bastien se demande quelles contraintes pourraient bien empêcher sa publication dans le journal officiel de la République ‘Le Moniteur’. D’après la Constitution, toute loi votée par les deux branches du Parlement (le Sénat et la Chambre des Députés) et qui, après le délai légal, n’est l’objet d’aucune objection de la part du chef de l’Etat, doit être publiée et exécutée. La Loi sur les frais scolaires n’autorise aucune augmentation de » frais (scolaires) annuels » supérieurs à trois mois d’écolage. Les directeurs d’établissements scolaires doivent accepter que le paiement de ces frais soit étalé sur toute l’année scolaire. Les législateurs interdisent par ailleurs le paiement de frais de réinscription ainsi que les collations de diplômes pour le préscolaire. « L’augmentation des frais scolaires, envisageable chaque 4 ans ne pourra pas dépasser 10% ». Les nombreuses requêtes adressées depuis 2009, successivement aux présidents Préval et Martelly, n’y ont rien changé. La loi règlementant les frais scolaires, pour une raison ou pour une autre ne sera pas promulguée cette année, une fois de plus. A moins d’un miracle. « Un miracle ?! Je ne crois pas aux miracles », intervient Jasmine, désabusée. « Il y a une raison à tout. Et c’est sûrement une question d’argent. Les directeurs d’écoles privées sont bien « souchés » et bénéficient d’un bon lobby au sein du gouvernement ».Les coûts élevés de l’éducation empêchent les enfants les plus pauvres d’aller à l’école, constate l’UNICEF qui plaide pour la gratuité totale de l’éducation fondamentale publique. « Certes, l’abolition des frais de scolarité ne garantit pas en soi l’accès universel à l’éducation, mais c’est une condition nécessaire ». HA/Radio Métropole Haiti
La loi sur les frais scolaires, votée depuis quatre ans mais jamais promulguée
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