Répondre à cette question, n’est-ce pas nous aiguillonner de nouveau vers le « vieux » débat autour de la pertinence et la faisabilité d’une production alimentaire autonome et suffisante en Haïti ? Une journaliste suisse, Delphine Bulliard, se jette à l’eau. Mais pas toute seule. Elle consulte, interroge, compare, analyse et découvre que le climat haïtien est propice à la production de fruits et légumes. C’est évident. »Pourtant, l’agriculture du pays ne suffit pas à rassasier sa population ».La Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA), appelée à la rescousse, l’accompagne dans sa quête et parvient à la conclusion que ‘la production indigène fournirait, actuellement, un peu plus que 44% des besoins en calories alimentaires ».L’intensification des cultures par le biais de la chimie semblerait être une alternative à cette crise alimentaire même si elle pose de grands problèmes au niveau du développement durable. La production biologique – ou le retour à la production biologique – des fruits et légumes n’est toutefois pas une rareté même si elle ne fait pas l’objet d’une réglementation.Alors, ou va-t-on chercher les calories qui manquent ? « Le recours aux importations est donc nécessaire, malgré les coûts sociaux, environnementaux et économiques quelles engendrent ». Mais, et l’aide humanitaire suisse dans tout ça ? La journaliste suisse structure son récit par l’apport de faits patents. Toutes les conditions sont réunies pour faire d’Haïti un importateur net de nourriture, incapable d’utiliser son potentiel agricole pour nourrir sapopulation.La voie est donc ouverte à la dépendance humanitaire. L’opération « En quête d’ailleurs 2013″ peut donc se justifier à ce niveau. »En quête d’ailleurs » est une association sans but lucratif qui forme des tandems de journalistes entre la Suisse et d’autres pays du Sud et de l’Est et utilise les moyens du bord pour explorer, cette année, « La planète humanitaire ».L’objectif visé est d’avoir une approche différente et approfondie sur le terrain.Combien seraient-ils de spécialistes haïtiens à assumer publiquement une posture positive face à cette question ? Et à quel point Haïti est-elle alimentairement vulnérable? Comment s’exprime cette vulnérabilité dans le temps et dans l’espace ? »Malgré tous les efforts déployés, constate l’agro-économiste André Yves Cribb, les ruraux haïtiens n’arrivent pas à contrôler avec satisfaction les sources de risques liés au système alimentaire ».Une stratégie adoptée pour résoudre un problème donné peut selon lui avoir des effets secondaires indésirables sur leur capacité de répondre à leurs besoins alimentaires. « Il leur manque de « filets de protection », tels que: système de prix de vente subventionné, chantier de grands travaux à forte incorporation de main-d’oeuvre, crédit rural, programmes anti-pauvreté ou politique progressiste des prix agricoles ».Une étude réalisée en 1994 dans la Vallée de l’Artibonite sur des systèmes irrigués et pluviaux, par le géographe-économiste Doryane Kermel-Torrès et l’agronome Pierre-Jean Roca (1994) – tous deux, spécialistes du Centre National de Recherche Scientifique (France) – conclut que la proportion de ruraux haïtiens en situation potentielle de vulnérabilité est de l’ordre de: 70 à 80% dans le système rural pluvial et 20 à 35% dans le système rural à dominante irriguée.Jusqu’à présent, constate l’agro-économiste, les conditions de vie en milieu rural ne s’améliorent pas. Il est impératif, poursuit-il, que les institutions concernées, et particulièrement le ministère de la planification et celui de l’agriculture, se penchent méthodiquement sur les problèmes alimentaires du monde rural et cherchent, au moins, à les analyser en profondeur. Alors, l’agriculture haïtienne suffit-elle à nourrir sa population ? Le débat reste ouvert ! HA/Radio Metropole Haiti Le reportage de Delphine Bulliard à écouter : http://www.eqda.ch/site/images/eqda/music/delphine.mp3 André Yves Cribb Agronome-Économiste M.Sc., Développement Agricole D.Sc., Ingénierie de Production GIFAD, Rio de Janeiro, RJ, Brésil http://www.gifad.org.br/aycribb/ HA/Radio Métropole Haïti Crédit photo : Canal Plus Haiti