Le Kidnapping, ce phénomène qui nous rappelle notre échec

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Le Kidnapping est devenu une institution sociale, c’est l’économiste Enomy Germain qui l’a affirmé sur Métropole arguant qu’il a ses mécanismes et ses acteurs. Une entreprise qui prend de l’ampleur chaque jour un peu plus et qui touche à un niveau ou à un autre toutes les couches de la société. Mais il n’est pas tombé du ciel ; le kidnapping est devenu ce phénomène qu’il est aujourd’hui sous les yeux des autorités, mais aussi sous les regards de la société. Quand tout a commencé au début des années 2000, c’était l’affaire d’une catégorie, généralement des règlements de compte entre des barons du secteur privé ou des figures de la classe politique ; nombreux ne se sentaient pas concernés et les jours ont passé, la pratique s’est répandue sur le territoire et a pénétré les zones précaires. Grace à la faiblesse du système judiciaire et a l’incapacité de la PNH, le Kidnapping est devenu ce pain béni pour tous ceux qui ont une arme et qui veulent s’en mettre plein la poche dans un temps record. L’institution se renforce, recrute, et devient plus efficace sous les yeux de la police et sous le regard de la société. Cette société qui aujourd’hui encore a du mal à jouer efficacement son rôle. C’est encore Enomy Germain qui a cité le psychologue Paul Slovic pour parler du biais de la victime identifiable, une façon de déplorer le comportement de la population haïtienne face au Kidnapping en dépit du fait qu’il soit clair qu’il ne s’agit plus d’un phénomène de classe mais qui touche tout le monde. Chacun est révolté suivant que la victime soit un membre de sa corporation ; les médecins se mobilisent pour les médecins, les avocats sont debout pour les avocats, les artistes se jettent dans l’arène pour les artistes, la liste est longue. Mais personne ne peut affirmer qu’il y a déjà eu un vrai soulèvement contre l’insécurité, le Kidnapping en particulier : Zafè Bèf pa zafë kabrit. C’est aussi cette population résignée et désarmée qui cherche des alternatives. Chacun se protège à sa façon : dans son véhicule blindé, derrière ses vitres teintés, à l’aide de gardes du corps ou tout simplement en mettant à profit le visa de courtoisie qu’on lui avait accordé pour faire du tourisme dans un pays étranger. Grenadye alaso, sa ki rete zafe a yo…C’est aussi sous les yeux des autorités que le phénomène a pris racine. Si Léon Charles en 2005 a du céder la tête de la PNH parce qu’il n’a pas pu mater les actes de Kidnapping notamment, aucun directeur général ne peut se targuer d’être réellement parvenu à contrôler ce fléau ; oui il y a eu des moments de répit, mais plusieurs autres facteurs sont à prendre en compte. Les communiqués, les grandes déclarations dans la presse, les annonces et aujourd’hui les tweets ne suffisent pas à ébranler les bandits. Malgré les efforts des gouvernements de rassurer, la réalité vient toujours les rattraper. Aujourd’hui, l’exécutif de Jovenel Moise vient de créer une entité pour renforcer la sécurité publique. L’agence nationale de l’intelligence existe désormais par décret, cette entité fera-t-elle une différence dans un contexte où l’on reproche à la police sa faiblesse en matière de renseignement ? Les citoyens vont-ils collaborer avec la PNH tel que la demande a été si gentiment formulée par le premier ministre Joseph Jouthe lundi. Ce semblant de réveil constaté chez la population est-elle réelle ou va-t-il durer trois semaines comme d’habitude ? Entretemps les bandits gagnent en confiance, exploitent nos peurs et décident sur notre vie comme bon leur semble. Luckner GARRAUDJournaliste Radio/Télé Métropole

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