Les parias haïtiens des Caraïbes

La décision de la Cour constitutionnelle dominicaine qui ouvre la porte à la « dénationalisation » de milliers de citoyens d’origine haïtienne nés en République dominicaine est inique, clame Mario Vargas Llosa, Prix Nobel de littérature 2010, qui la compare aux lois hitlériennes des années 1930.Radio Métropole Haiti publie des extraits de ce long article de l’écrivainMario Vargas Llosa.[…} »La conclusion du tribunal constitutionnel dominicain est une aberration juridique qui semble directement inspirée des lois hitlériennes des années 1930, édictées par des magistrats nazis dans le but de priver de la nationalité allemande les Juifs pourtant établis dans ce pays depuis des années (des siècles, même) et parfaitement intégrés dans la société ». « La décision est en tout état de cause en infraction avec un arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (dotée d’une convention à laquelle la République dominicaine fait partie) qui, en septembre 2005, avait déjà condamné ce pays pour négation du droit à la nationalité de deux petites Dominicaines nées comme Juliana de parents haïtiens, Dilcia Yean et Violeta Bosico ». « Il est évident, au vu de ce précédent, que la Cour interaméricaine, si elle était saisie, réaffirmerait ce droit et que la République dominicaine serait contrainte de s’y plier, sauf à décider – ce qui est très peu probable – de se mettre à l’écart du système judiciaire interaméricain et de devenir un pays paria ».Cruauté, inhumanité et hypocrisie des juges « Rappelons, comme l’a fait The New York Times le 24 octobre, que deux juges du tribunal constitutionnel dominicain ont voté contre cette décision et, en s’opposant à une mesure ouvertement raciste et discriminatoire, ont sauvé l’honneur de l’institution et de leur pays. Les magistrats du tribunal motivent leur refus de la nationalité à des personnes comme Juliana Deguis Pierre par la « situation irrégulière » des parents ». « En d’autres termes, il s’agit de faire payer aux enfants (voire aux petits-enfants et aux arrière-petits-enfants) un délit que sont présumés avoir commis leurs ascendants. Comme au Moyen Age, comme les tribunaux de l’Inquisition, l’arrêt constitutionnel dominicain part du principe que les délits sont héréditaires et se transmettent, par le sang, de génération en génération ». »A la cruauté et à l’inhumanité de ces juges vient s’ajouter l’hypocrisie. Ils savent très bien que l’immigration « irrégulière » ou clandestine des Haïtiens en République dominicaine, qui a commencé au début du XXe siècle, est un phénomène social et économique complexe ». « Bien souvent, et précisément dans les périodes les plus favorables économiquement, cette immigration a été encouragée par les propriétaires terriens et chefs d’entreprise dominicains eux-mêmes, soucieux de disposer d’une main-d’œuvre bon marché sur les plantations de canne à sucre, dans le bâtiment ou pour les travaux domestiques, et ce au vu et au su des autorités, conscientes du bénéfice économique que pouvait tirer le pays (en tout cas ses classes moyennes et supérieures) de ces flots de clandestins d’ailleurs maintenus dans des conditions de vie extrêmement précaires, majoritairement sans contrat de travail ni sécurité sociale, ni protection juridique d’aucune sorte ».Fin des extraits de l’article A propos de l’auteur de l’article Mario Vargas Llosa, marquis de Vargas Llosa1, né Jorge Mario Pedro Vargas Llosa le 28 mars 1936 à Arequipa, région d’Arequipa, au Pérou, est un écrivain péruvien et espagnol, auteur de romans et d’essais politiques. Il est lauréat du prix Nobel de littérature 2010 « pour sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées de la résistance de l’individu, de sa révolte et de son échec ».Lire l’intégralité de l’article : http://www.courrierinternational.com/article/2013/11/05/les-parias-haitiens-des-caraibes?page=all Crédit photo : Mario Vargas Llosa le 22 septembre 2011 – Arild Vägen/CC Une publication du Courrier International, édition en ligne du Mardi 5 novembre 2013. HA/Radio Métropole Haïti

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