Jusqu’au 12 janvier 2020, le mandat de Jovenel Moise prenait fin en 2022. L’opposition faisait tout pour le renverser avant, au point qu’aux dernières discussions à la Nonciature, les opposants ont voulu négocier un départ au cours de l’année 2021, une fois que le président aurait bouclé ses réformes.
Lorsque, au lendemain du 13 Janvier 2020, après que le chef de l’état a constaté la caducité du parlement et renvoyé deux tiers du sénat, l’opposition a commencé à envisager une fin de mandat en février 2021, pour plus d’un c’était une stratégie politique, un moyen de pression. Et est arrivé l’article 134.2 de la constitution, les opposants en ont fait leur cheval de bataille durant les 12 derniers mois et la démarche a porté fruit.
Aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux, ceux qui croient que, selon la constitution, le mandat du président Jovenel Moise a pris fin, il y a 5 jours. Ce n’est plus de la politique pure et simple, c’est la loi à en croire les secteurs qui soutiennent cette thèse. Certains s’appuient sur les prescrits constitutionnels, d’autres renforcent leur position en brandissant la décision du chef de l’état qui avait utilisé cet article et le décret électoral contre des parlementaires. La fédération des barreaux, l’église catholique, le conseil supérieur du pouvoir judiciaire, une partie de l’église protestante ont rejoint l’opposition. A présent, c’est l’université qui dit son mot. A travers sa Chaire Louis Joseph Janvier sur le constitutionalisme en Haïti, l’Université Kiskeya intègre le débat, place son mot et confirme la fin du mandat présidentiel ce 07 février. Pour aboutir à cette conclusion, la chaire analyse les articles 134.1 et 134.2 de la constitution. Si la première affirme que le mandat du président est de 5 ans, le second explique comment compter ces cinq années. Dans sa restitution, le titulaire de la chaire souligne que dans un texte, un législateur peut énoncer des principes généraux, il peut aussi les assortir de dérogations qui constituent des exceptions ou règles spéciales. C’est en ce sens que Bernard Gousse précise que l’article 134.1 est le principe général et le 134.2 est l’exception qui prévoit que si les élections n’ont pas lieu dans le temps constitutionnel, le mandat commence à courir le 7 février de l’année suivant celle durant laquelle le scrutin devait se tenir.
Par conséquent, faisant appel à l’article 134.3 de la constitution qui stipule que le président ne peut bénéficier de prolongation de mandat, la chaire Louis Joseph Janvier de l’université Kiskeya affirme que Jovenel Moise agit en usurpateur de titre en demeurant au palais en s’appuyant sur la force armée de la PNH. L’université ne s’est pas contentée de poser les théories et laisser le public faire la conclusion, elle est allée jusqu’au bout. Certains peuvent toujours parler de conflit d’intérêt parce que Jacky Lumarque est un ancien candidat à la présidence ou encore parce que Me Bernard Gousse avait déjà pris position contre le pouvoir en place, mais leur travail se voulait scientifique et il grossit la liste d’entités qui regardent dans la même direction que l’opposition.
Entretemps, l’exécutif continue de tout mettre en œuvre pour protéger son mandat. Le président Jovenel Moise fronce les sourcils et sort l’artillerie lourde. A travers décrets, arrêtés et autres décisions administratives, il déplace ses pions, place des boucliers. Poussé à l’excès, certaines de ses mesures risquent de renforcer la conviction de ceux qui lui prêtent des velléités dictatoriales. Si mercredi encore le ministre Claude Joseph tentait de rassurer, sur une chaine étrangère, qu’il n’y avait pas de dictature en Haïti, la communauté internationale commence à s’inquiéter par rapport à certaines décisions du chef de l’état. Quand dans un pays l’opposition se fait provocatrice et pour protéger un pouvoir, une mesure en entraine une autre, une dérive couvre une autre et les zélés sont prêts a tout pour plaire aux chefs, la ligne rouge n’est jamais loin.
Luckner GARRAUD
Journaliste Radio/Télé Métropole