Le visage souriant de Darlene Etienne, 17 ans, est celui de l’ultime résilience humaine. Il y a un peu moins d’un an, deux semaines après le séisme du 12 janvier et alors que l’espoir s’amenuisait de retrouver des survivants, la jeune fille avait été sortie vivante des décombres de Port-au-Prince. Darlene est un miracle, extraite en vie du tombeau de béton et d’acier qui devait engloutir quelque 230.000 personnes, alors que les secouristes qui fouillaient à main nues les montagnes de débris de la capitale haïtienne creusaient toujours, mais avaient quasiment renoncé à retrouver d’autres rescapés.Le 27 janvier 2010, deux semaines et un jour après la secousse meurtrière, la faible voix de la jeune fille réussissait à percer jusqu’à la surface. Et peu après, les équipes de secouristes français réussissaient à l’atteindre et à l’extraire, une opération de sauvetage qui dura 45 minutes, devant les yeux ébahis et sous les vivats de centaines de personnes.Couverte de poussière blanche, les yeux enfoncés dans leurs orbites, le regard perdu, mais indemne, Darlène était comme un fantôme. Un secouriste expliquait alors aux journalistes qu’elle n’aurait sans doute pas pu survivre plus de quelques heures supplémentaires.Aujourd’hui, Darlène vit avec sa mère et sa famille élargie dans la vallée de l’Artibonite, à trois heures de route de la capitale. Lui rendant visite sans rendez-vous, les journalistes d’Associated Press ont rencontré une jeune fille souriante et en bonne santé apparente, mais qui n’a rien oublié de ce calvaire qui a fait d’elle une quasi-célébrité dans son village.Elle se souvient d’avoir été consciente et éveillée pendant tout le temps de sa captivité, à la différence d’autres rescapés qui racontent être fréquemment tombés dans la somnolence ou l’inconscience. Elle se souvient d’avoir hurlé, hurlé sans répit, malgré la cacophonie, entre cris humains et engins de déblaiement, qu’était Port-au-Prince pendant ces journées de désespoir. « Je pouvais entendre des gens qui passaient, je pensais qu’ils allaient me secourir. Mais ça n’était jamais moi qu’on venait sauver. »Deuxième d’une famille de trois enfants, Darlène venait de quitter son foyer pour la première fois, ayant laissé derrière elle Marchand Dessalines neuf jours avant le séisme pour venir vivre chez son cousin et sa femme, afin d’aller au lycée à Port-au-Prince.Le 12 janvier, l’épouse du cousin est morte écrasée par la chute du mur du fond de leur maison du quartier de Carrefour Feuilles. Et personne ne pensait pouvoir trouver de survivants dans ces décombres. Mais un homme qui fouillait les ruines finit par entendre Darlène. Elle lui donna son nom et son numéro de téléphone, il appela sa famille et les secours…Une fois récupérée, la jeune fille fut évacuée sur un hôpital de campagne où elle fut traitée pour déshydratation sévère avant d’être transférée sur un bateau-hôpital au large de Port-au-Prince.Au moins 135 personnes ont été secourues après le séisme, la plupart dans les premières heures ou jours. Et si le sauvetage tardif de Darlène a été accueilli avec scepticisme par certains, les secouristes français et les médecins sont convaincus qu’elle a effectivement passé ces deux semaines prise au piège des décombres.Aujourd’hui, la jeune fille a repris l’école à Marchand Dessalines, au milieu des rizières, source de subsistance de la région. Elle hoche la tête en regardant avec ses amis et sa famille réunie les photos de son sauvetage. Difficile de croire qu’il s’agit bien de la même Darlène.Sa mère, Kerline Dorcant, ne cesse de remercier Dieu de lui avoir rendu sa fille. Son espoir désormais est qu’elle puisse quitter Haïti pour avoir un avenir. « Je veux qu’elle aille dans un autre pays, parce qu’il n’y a rien ici pour elle. La seule chose qu’elle a, c’est l’école, je ne veux pas qu’elle reste. Mais j’ai vu tant de gens mourir, je suis si heureuse qu’elle ait vécu, et je remercie Dieu ». AP
Un an après, Darlene, la « miraculée » de Port-au-Prince, est redevenue une jeune fille presque comme les autres
Publicité