Une petite manifestation de l’opposition d’une grande portée symbolique

Un peu plus d’un millier de manifestants anti-Aristide ont manifesté dimanche dans les rues de Port-au-Prince sous la protection de la police qui a du faire usage de gaz lacrymogène pour disperser un groupe qui avait quitté le cortège principal. Malgré le nombre réduit de participants, la manifestation a eu une grande portée symbolique, aussi bien pour l’opposition que pour le pouvoir. Elle avait déjà été reportée à deux reprises par crainte d’incidents. « Nous ne serions que cinq, nous serions des héros », commentait au début de la manifestation André Apaid, leader du groupe des 184 qui regroupe la société civile et le patronat. « Aujourd’hui, les gens ont peur de manifester », a-t-il affirmé. La police haïtienne était présente et encadrait la manifestation avec des forces anti-émeutes. Une ambulance suivait également le cortège. Les manifestants se sont mis en marche vers 10H30 locales (15H30 GMT) depuis la banlieue résidentielle de Pétionville au sud de Port-au-Prince, en criant des slogans réclamant la démission du président haïtien. Sur son parcours, le cortège s’est scindé en deux. D’un côté, le gros de la manifestation a suivi les indications de la police, quittant l’autoroute de Delmas, à l’est de la capitale, et se dispersant sans incident. Passant le barrage de police, quelques deux cents jeunes manifestants ont poursuivi leur chemin sur l’autoroute, s’approchant d’une zone où étaient concentrés des partisans du président Aristide. La police s’est interposée pour empêcher les deux groupes d’entrer en contact. Après avoir demandé aux jeunes de rebrousser chemin, elle a fait usage de gaz lacrymogène pour les disperser. Dans leur retraite, les jeunes ont dispersé des pierres et des pneus pour bloquer la circulation. La police a ensuite procédé à des arrestations, quatre au moins, selon le journaliste de l’AFP. André Apaid a estimé qu’il y avait des « infiltrés qui devaient jouer le rôle de provocateurs ». Il a réaffirmé qu’il voulait le départ du présidenthaïtien par des moyens pacifiques et voulait éviter l’amalgame avec lesinsurgés des Gonaïves, au nord de la capitale, qui ont choisi la voie armée. Interrogé par l’AFP sur l’alliance de Louis-Jodel Chamblain, un des chefs des paramilitaires haïtiens de la dictature du général Raoul Cédras (1991-1994) et de l’ex-commissaire Guy Philippe avec les rebelles des Gonaïves, André Apaid a estimé qu’ils représentaient « une vision du passé dont le peuple haïtien ne veut plus ». « Nous soutenons le peuple du Nord d’Haïti qui demande le départ de Jean Bertrand Aristide mais pas la lutte armée », a-t-il indiqué. « Nous voulons que M. Aristide démissionne, ce qui est constitutionnel. Le danger c’est lui. Et le plus vite il partira, le plus vite on pourra réconcilier le peuple haïtien », a-t-il affirmé. Questionné à propos de l’enquête demandée par l’avocat du gouvernement haïtien, Ira Kurzban, au département américain (ministère) de la Justice à propos d’éventuelles violations de la législation américaine (« neutrality act ») à cause de sa nationalité américaine, M. Apaid a répondu qu’il s’agissait « d’une diversion », au moment où le pays vit une crise majeure. « Je suis haïtien d’origine, mes parents sont nés en Haïti », a-t-il répondu. PORT-AU-PRINCE, 15 février 2004 (AFP)

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