7,000 citoyens haitiens en détention préventive prolongée

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« En Haiti, plus de 10,000 personnes sont actuellement détenues dans 17 prisons civiles et quatre commissariats de police. De ce nombre, 7,000 prisonniers n’ont jamais comparu devant un juge et ne savent pas quand ils pourront le faire. »Le juge est le seul à pouvoir décider de leur sort », a indiqué l’Ombudsman Florence Elie, de l’Office de Protection du Citoyen (OPC). « Et pourtant ces citoyens sont en détention préventive prolongée ! »Le mot est lâché: détention préventive prolongée. Les conclusions d’une récente étude de la MINUSTAH qualifie cette situation de « gangrène qui mine l’appareil judiciaire haïtien ». »Cette situation constitue aujourd’hui l’un des principaux problèmes auxquels fait aujourd’hui face l’appareil judiciaire haitien, avec près de 75% de la population carcérale du pays en attente d’une décision judiciaire ».Une décision judiciaire qui ne vient toujours pas, au grand désespoir des personnes en situation de privation prolongée de liberté. »Contrairement à ce qu’on croit généralement, plaide la Protectrice du citoyen, la majorité des personnes en détention préventive prolongée ne sont pas des criminels et ne représentent donc aucun danger pour la société ».Ces malheureux, affirme-t-elle, sont doublement victimes, d’abord d’une situation de pauvreté extrême qui, régulièrement, gagne du terrain en Haiti. »Ils sont ensuite victimes d’une violation prolongée de leur droits fondamentaux. Ces 7,000 prisonniers pourraient etre innocents, ce qui signifierait que l’Etat haitien est en train de violer des droits que la Constitution de 1987, dans son article 24, leur reconnait. »L’article 24 en question stipule que l’Etat doit garantir le droit que chaque citoyen a de vivre libre dans le pays. »A voir la facon dont on traite en Haiti les personnes qui sont libres de vaquer à leurs occupations, comment alors s’étonner de la facon dont on traite ceux qui sont privés de liberté ?! »L’auteur de ces propos est un juge, membre de l’Association nationale des magistrats haitiens (ANAMAH) et il tient à garder l’anonymat. « En Haiti, on ne sait jamais », souligne-t-il, sentencieux. « Tout ce qui en Haiti parait lié à un dysfonctionnement est en réalité une poule aux oeufs d’or. Des dizaines de fonctionnaires de l’Etat tirent profit de cette situation qu’ils entretiennent à dessein. Et vous voulez que ca s’arrete » ?! Mais qui voudra tuer la poule aux oeufs d’or ?! La solution doit venir de l’extérieur du systeme judiciaire ! »La détention préventive prolongée a en Haïti des causes diverses, principalement liées aux dysfonctionnements de la justice.Pour la Fédération des Barreaux d’Haïti, le problème trouve son origine dans l’absence d’une politique criminelle et d’action sociale, la démission des autorités, le manque de moyens matériels pour mener les enquêtes et rechercher les preuves, et le manque de collaboration entre la Police Nationale d’Haïti et la justice.« La pratique actuelle d’incarcérer des personnes alors qu’il n’y a pas d’infraction augmente aussi sensiblement le nombre de détentions préventives », souligne la Fédération, évoquant de nombreux cas d’arrestations abusives.L’Ombudsman Florence Elie, après une carrière de 10 ans dans l’enseignement, débutée aux Etats Unis d’Amérique du Nord et poursuivie en Haïti jusqu’en 1983, occupe par la suite différents postes dans l’Administration Publique haitienne.Son mandat de Protectrice du Citoyen a commencé avec sa prestation de serment le 6 octobre 2009 et durera jusqu’en octobre 2016.HA/Radio Métropole Haiti

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