L’église Saint François de Sales à Paris. A l’intérieur, une messe est célébrée ce 1er janvier à l’initiative de l’Ambassade d’Haïti en France. A l’extérieur, un groupe de protestataires prend place. Etudiants, militants, citoyens haïtiens de la diaspora ; ils réclament le départ d’Aristide du pouvoir. Cette fois, il y a beaucoup plus de femmes, d’enfants et de nouvelles têtes dans le camp des manifestants, à Paris, affirmant leur opposition à Aristide. Ils disent n’être là ni pour empêcher la célébration de la messe, ni pour participer à la cérémonie religieuse organisée par les représentants d’Aristide en France. « Ce que nous voulons, c’est le départ d’Aristide », répètent-ils. La température est en dessous de zéro degré. Il a neigé à Paris ce 1er janvier. Mais, pas question d’entrer à l’intérieur. « Nous sommes là pour dénoncer le pouvoir dictatorial en Haïti et non pour assister à la messe ». Loin d’eux l’idée de commettre un sacrilège. « La profanation des églises c’est une pratique lavalassienne », lâche l’un d’entre eux, bible en mains. A l’intérieur de l’église, le message du prêtre sonne fort. Il fait un parallèle entre 1804 et 2004. Le prêtre rappelle les espoirs qu’apportait la victoire des esclaves sur les colons pour conclure qu’aujourd’hui, on est bien loin de l’idéal de nos ancêtres. A l’extérieur, rassemblés sous le froid, les protestataires reçoivent les salutations de quelques personnes venues assister à la messe. Silencieux, ils captent quelques bribes du message du prêtre qui dénonce l’autoritarisme qui s’installe en Haiti. Et quand le prêtre lâche « fòk sa chanje », l’écho qui arrive aux protestataires leur fait dire que Dieu a exaucé leur prière. En effet, pour cette manifestation, ce sont des versets de la bible que les protestataires utilisent pour faire passer leur message. La fin du sermon c’est leur signal. Ils se revêtissent de t-shirt de couleur blanche comportant des inscriptions comme : « tu ne tueras point » (exode 20 :13), « tu ne voleras pas » (exode 20 :15), « les assassins n’hériteront pas le ciel » (apocalypse 22 :15). Des messages particuliers sont adressés aux assistants de la messe. « Il y a deux mille ans on a crucifié le Christ, aujourd’hui Aristide crucifie Haïti » ou, faisant allusion à la mise en garde que Jésus lançait à ses disciples, « Chrétiens, si vous ne parlez pas de la souffrance d’Haïti, les pierres crieront ». A l’intérieur, les cérémonies sont loin d’être terminées. Des grands discours font l’apologie de 1804 et des héros de la guerre de l’indépendance. Bougies allumées, les protestataires se regroupent en face de la sortie de l’église. Plus de deux heures d’attente avant la fin de la messe. Il fait très froid et les bougies brûlent. « C’est un vrai sacrifice », commente un d’entre eux. « Aucun sacrifice n’est trop grand pour notre pays », lui répond un autre. Peu à peu, des gens sortent de l’église, voient les manifestants, prennent du temps pour lire leurs slogans, leur serrent la main parfois et les prennent en photo. D’autres leur disent « courage » ou les regardent avec mépris. Les diplomates haïtiens quant à eux ne les auront pas vus puisqu’ils se sont empressés de sortir par les petites portes donnant sur une rue secondaire. Silencieux tout au long de cette manifestation, les protestataires ont attendu que l’église se vide complètement pour expliquer leur geste. « C’est une transition vers une autre étape de notre mouvement. L’effort consentit aujourd’hui montre que nous sommes assez forts pour la mobilisation permanente jusqu’au départ du dictateur d’Haïti ». En apprenant que les diplomates haïtiens ont utilisé les sorties de secours pour fuir leur mobilisation, les manifestants disent espérer que cela serve de leçon au chef du pouvoir lavalas. « Un jour, affirment-ils, Aristide fera de même face à la détermination des Haïtiens au pays et dans la diaspora ». Paris, 3 janv. 04 [AlterPresse]
Haiti / bicentenaire : célébration sur fond de protestations à Paris
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