Jacmel, à l’écart de l’insurrection haïtienne

JACMEL, Haïti (AP) – Dans la paisible bourgade de Jacmel, en bord de mer, les pillages ont commencé dès le départ de Jean-Bertrand Aristide. Mais dans ce coin au sud-est d’Haïti, quelques heures plus tard, un comité citoyen a repris les choses en main, exhortant les pillards, sur les ondes de la radio, a rendre les biens volés. Ce qu’ils ont fait.Le reste d’Haïti était à feu et à sang, entre pillages, assassinats, cadavres gisants dans les rues, règlements de compte, incendies et destructions. Jacmel la tranquille, connue pour ses artistes, peintres et poètes, aura passé elle ces trois semaines d’insurrection quasiment sans dommages .Jacmel la paisible: avec ses 150.000 habitants et ses vieilles bâtisses coloniales, elle semble toujours à mille lieux de Port-au-Prince. Les bourgeois viennent y passer le week-end et après la tombée de la nuit, les gamins foncent sur leurs vélos, les vieux jouent aux dominos sous l’éclairage urbain, on s’y balade à pied dans les rues, chose que seuls les inconscients ou les criminels feraient dans la capitale… »Les ‘caco’ (pillards) faisaient leur truc à Port-au-Prince, alors nous avons fait le notre à Jacmel », raconte l’artiste Moro Baruk.Du coup, quand quelques pillards s’en sont pris au commissariat, le comité citoyen est descendu dans la rue pour appeler au calme. Quand l’électricité est revenue, le comité a pris la parole sur les ondes, en appelant au sens civique des pillards. « Le comité a dit aux gens que ces choses appartenaient à Haïti, pas à un parti ou un autre, pas à Aristide », se souvient Moro Baruk. Et les pillards ont tout ramené. Sauf ce qu’ils avaient volé chez le chef de la police. « Tout s’est bien passé, grâce au comité. Nous ne sommes pas une ville où les gens tuent ou volent mais certains se sont dit: ‘Si les gens se révoltent, eh bien, pourquoi pas nous?' », ajoute-t-il. Jacques Khawly, patron de la Chambre de commerce et ancien maire de Jacmel, est membre de ce comité citoyen, composé au départ, selon ses dires, d’hommes qui se retrouvaient le matin pour boire le café… Ils se sont donc rendus à la radio, diffusant continuellement des appels au calme. « Nous avons tous vécu les atrocités qui ont suivi la fuite de Jean-Claude Duvalier en 1986. Nous nous étions jurés que ça ne recommencerait jamais à Jacmel », raconte-t-il. Un autre « citoyen », l’agronome Gérard Mathurin, explique que les forces d’Aristide ont cherché pendant des années à contrôler Jacmel. Mais la ville est toujours restée neutre, jusqu’à ces quelques derniers jours, où elle s’est retournée contre Aristide.En 1990, les gens avaient voté pour lui, rappelle Khawly. « Mais il ne faut jamais, jamais oublier qu’en 2000, nous n’étions plus que 3% » en sa faveur à Jacmel. AP

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