Les armes qui tuent en Haïti proviennent des Etats-Unis, selon l’ONU

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La violence liée aux gangs en Haïti a atteint des niveaux jamais vus depuis des décennies, selon un rapport du Secrétaire général de l’ONU publié en janvier. Dans le même temps, une augmentation récente des saisies d’armes à feu, ainsi que des rapports de services de renseignement et d’application de la loi, suggèrent que le trafic d’armes à feu vers Haïti connait une hausse. 

En outre, comme le détaille l’étude de l’ONUDC intitulée Haiti ‘s criminal markets: mapping trends in firearms and drug trafficking (Marchés criminels d’Haïti : cartographie des tendances en matière d’armes à feu et de trafic de drogue), Haïti reste un pays de transbordement pour les drogues, principalement la cocaïne et le cannabis qui entrent par bateau ou par avion dans les ports publics, privés et informels ainsi que par les nombreuses pistes clandestines.   

Des frontières poreuses 

« En fournissant une évaluation rapide du trafic illicite d’armes à feu et de drogue, cette étude de l’ONUDC cherche à faire la lumière sur les flux de trafic qui bénéficient aux gangs en Haïti et alimentent davantage de violence dans une situation volatile et désespérée, afin d’aider à éclairer les réponses et le soutien au peuple haïtien », a déclaré Angela Me, chef du Service de la recherche et de l’analyse des tendances de l’ONUDC.   

L’étude confirme que Haïti est affligée de frontières poreuses – dont 1.771 kilomètres de côtes et une frontière terrestre de 392 kilomètres avec la République dominicaine – qui mettent gravement à l’épreuve les capacités de la police nationale, des douanes, des patrouilles frontalières et des garde-côtes qui manquent de ressources et de personnel, et sont eux-mêmes la cible de gangs.   

Un seul navire de garde-côtes 

L’ONUDC note que le pays ne compte que 181 garde-côtes, et un seul navire en état de fonctionner. De plus le manque d’effectifs de police est aggravé par leur mauvaise répartition géographique. La plupart des agents sont concentrés dans la capitale, Port-au-Prince, parce qu’ils exercent d’autres emplois, souvent dans la sécurité privée. Les postes-frontières ou les lieux connus comme des lieux de passage habituels des divers trafics sont particulièrement dégarnis. La corruption, l’intimidation permanente illustrée par le saccage de nombreux postes de douane, les départs en chaine de dirigeants contribuent à affaiblir les forces de l’ordre haïtiennes.   

          Les armes proviennent de tous les Etats-Unis via la Floride 

S’agissant du trafic d’armes, l’étude démontre que la plupart des armes à feu et munitions en Haïti proviennent des États-Unis, et en particulier de Floride. Les armes de poing vendues entre 400 et 500 dollars dans les points de vente légaux aux États-Unis peuvent être revendues jusqu’à 10.000 dollars en Haïti. Les fusils de plus grande puissance, comme les AK47, les AR15 et les fusils d’assaut Galil sont généralement plus demandés par les gangs, ce qui entraîne des prix plus élevés. L’ONUDC révèle que des armes de calibres de plus en plus élevés, parfois des mitrailleuses lourdes, sont aujourd’hui importées illégalement.   

Les armes sont souvent achetées par des hommes de paille dans les États américains dotées de règlementations souples sur les armes à feu et sont ensuite transportées en Floride où un réseau complice, souvent composé de membres de la diaspora haïtienne, se charge de les expédier à partir des ports du sud de l’Etat vers Haïti, cachés dans des conteneurs au milieu d’articles d’importation usuels. À l’arrivée dans les grandes plaques tournantes comme Port-de-Paix et Port-au-Prince, les cargaisons sont confiées à une multitude d’intermédiaires.  

Détournements divers 

L’ONUDC ajoute que des armes à feu, des munitions et des pièces peuvent être importées légalement par les agences de sécurité publique et les sociétés de sécurité privées. Bien qu’Haïti soit soumis à un embargo américain, plusieurs amendements permettent l’exportation de certaines armes à feu et munitions aux forces de sécurité haïtiennes.  

Les États-Unis ont également augmenté leur soutien à la Police nationale haïtienne de 2,8 millions de dollars en 2016 à plus de 12,4 millions de dollars en 2020. L’assistance directe et le soutien à la formation sont souvent fournis par des intermédiaires et des fournisseurs établis, précise le rapport. Et en 2022, les États-Unis et le Canada ont élargi de nouveaux engagements, y compris des fournitures militaires et policières.   

Cependant, en raison de la faiblesse de la surveillance et des contrôles, les armes et les munitions sont périodiquement détournées et remises en circulation sur les marchés civils par des policiers ou des employés de sécurité.   

L’ONUDC déplore l’effet de ce trafic sur les multiples crises haïtiennes. Selon le rapport du Secrétaire général de l’ONU paru en janvier, les homicides, les enlèvements et les déplacements sont en hausse dans le pays, qui souffre de la pire situation humanitaire et de droits humains depuis des décennies.   

L’étude donne pour sa part un aperçu des réponses internationales, régionales et nationales à ce jour, en particulier les efforts visant à accroître le soutien à l’application de la loi et à la gestion des frontières en Haïti, et souligne la nécessité d’approches globales englobant des investissements dans la police de proximité, la réforme de la justice pénale et la lutte contre la corruption.

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