Dans un contexte de recrudescence de la violence et d’instabilité politique en Haïti, les enfants dans les salles de classe des zones urbaines deviennent de plus en plus la cible de vols ou de rançons, a averti aujourd’hui l’UNICEF.
Depuis le début de l’année scolaire en septembre, au moins sept écoles dans et autour de la capitale haïtienne Port-au-Prince, ont déjà été contraintes de payer les gangs armés en échange de la sécurité, et d’autres ont été menacées. La plupart d’entre eux sont situés dans des quartiers de la ville contrôlés par les gangs. Le montant d’argent demandé aux groupes criminels équivaut généralement aux frais de scolarité de trois élèves par classe.
Il y a trois jours, des hommes armés sont entrés dans une école en plein jour, et ont abattu un parent et blessé une écolière. L’UNICEF a également été informé que la même semaine, un groupe armé a fait irruption de nuit dans une autre école pour voler les salaires des enseignants sous la menace d’une arme.
« Dans les zones contrôlées par les gangs, les directeurs d’école et les enseignants sont constamment menacés : soit ils acceptent de payer, soit ils risquent d’être attaqués la nuit », a déclaré Jean Gough, directeur régional de l’UNICEF pour l’Amérique latine et les Caraïbes. « Dans beaucoup trop de communautés à travers le pays, la peur entrave l’apprentissage. Les gangs transforment les lieux d’apprentissage en théâtres de violence.
En Haïti, plus d’un demi-million d’enfants ne sont pas scolarisés pour une multitude de raisons, notamment les coûts élevés de l’éducation, le manque de soutien pour les plus vulnérables et la mauvaise qualité des services éducatifs. La violence des gangs devient rapidement une autre raison pour laquelle les parents n’envoient pas leurs enfants à l’école.
Cette année, l’augmentation de la criminalité des gangs a encore limité l’accès aux écoles et empêché des centaines d’enfants de commencer ou de reprendre leurs études. Au cours des derniers mois, des attaques contre des écoles ont été signalées, principalement dans les grands centres urbains. Les menaces croissantes et les actes de violence armée ont forcé certains directeurs d’école à déménager leurs écoles dans d’autres zones hors du contrôle des gangs.
La violence des gangs à Port-au-Prince et dans ses environs a déjà forcé plus de 19 000 personnes à fuir leur foyer et des milliers d’enfants à interrompre leurs études. Au cours de l’année scolaire 2019-2020, environ 60% de toutes les écoles haïtiennes ont été fermées pendant 60 jours pendant pour des raisons de confinement. L’UNICEF estime que plus de 230 000 enfants risquent d’abandonner l’école dans les départements du Grand Sud d’Haïti touchés par le séisme du 14 août.
« Avant cette nouvelle vague d’augmentation de la criminalité, beaucoup trop d’enfants haïtiens n’étaient déjà pas scolarisés et beaucoup trop d’enfants risquent désormais d’abandonner parce que les écoles deviennent dangereuses. En Haïti aujourd’hui, chaque enfant laissé en dehors de la classe est une recrue potentielle pour les gangs de demain. Haïti a besoin de plus d’ingénieurs pour reconstruire les écoles, de plus d’infirmières pour vacciner les nouveau-nés, de plus d’enseignants pour donner des cours, mais pas de plus de chefs de gangs. Nous devons trouver des moyens de ramener les enfants à l’école et de leur permettre d’apprendre en toute sécurité », a souligné Jean Gough.
Pendant les vacances scolaires, l’UNICEF s’est associé à une université haïtienne pour organiser des cours de rattrapage pour les enfants déplacés et leur permettre de mieux se préparer aux examens de fin d’études secondaires. L’UNICEF a également noue un partenariat avec une organisation de la société civile locale pour fournir une éducation non formelle à 240 jeunes déplacés dans la périphérie de Port-au-Prince.
Grâce au Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), l’UNICEF et ses partenaires ont distribué des kits scolaires à 70 000 enfants des familles les plus vulnérables touchées par les troubles sociaux et la pandémie de COVID-19, et ont apporté un soutien à environ 1 971 enseignants dans 365 écoles à travers le pays. L’UNICEF et le ministère de l’Éducation construisent 900 espaces d’apprentissage temporaires tout en distribuant 100 000 kits scolaires dans les zones touchées par le séisme.
La violence des gangs continue d’affecter physiquement et émotionnellement les enfants haïtiens. Il y a quelques jours, un enfant de six ans a été blessé lors d’un échange de tirs dans la rue, a rapporté un partenaire de l’UNICEF. La semaine dernière, des hommes armés ont attaqué un centre abritant des victimes de violence des gangs, d’enlèvements et de violences sexuelles.
L’UNICEF exhorte tout le monde à respecter les établissements scolaires et appelle le gouvernement d’Haïti à assurer la sécurité dans et autour des écoles, et à prendre des mesures fermes pour lutter contre la violence des gangs contre les enfants.