L’ONU  a  jugé urgent le  déploiement, d’une force internationale spécialisée en Haïti

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L’envoyée de l’ONU en Haïti a appelé mercredi le Conseil de sécurité à agir immédiatement pour aider le pays à briser le cycle de violence qui affecte durement la population haïtienne.

« Le temps presse et le peuple haïtien mérite votre action urgente. S’il n’est pas soutenu, le cercle vicieux de la violence, de la crise politique, sociale et économique, contre lequel le peuple lutte chaque jour, continuera… Nous devons agir maintenant », a déclaré la nouvelle Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti, Maria Isabel Salvador, lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur la situation dans ce pays.

Déployer une force internationale spécialisée

Mme Salvador, qui vient de succéder à Helen La Lime ce mois-ci, a notamment jugé urgent le « déploiement, autorisé par le Conseil de sécurité, d’une force internationale spécialisée » pour aider la Police nationale d’Haïti à lutter contre l’augmentation de la violence des gangs armés.

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Elle a souligné qu’au cours de sa première semaine en Haïti, elle a réussi à circuler dans certaines rues de la capitale Port-au-Prince et a ressenti « la tension et reconnu la peur que vivent les Haïtiens au quotidien ».

« Au cours de mes premiers échanges et interactions, j’ai observé qu’une voie permettant aux Haïtiens d’engager un dialogue vers la restauration des institutions démocratiques dans le pays a été tracée. Cependant, le sentiment général est qu’il sera difficile d’aller de l’avant sans s’attaquer efficacement à l’insécurité endémique », a-t-elle ajouté, notant que depuis le dernier exposé au Conseil par sa prédécesseure en janvier, « la criminalité liée aux gangs s’est intensifiée ».

« La violence des gangs se développe à un rythme alarmant dans des zones auparavant considérées comme relativement sûres à Port-au-Prince et en dehors de la capitale. L’horrible violence dans les zones infestées de gangs, y compris la violence sexuelle, en particulier contre les femmes et les filles, est emblématique de la terreur qui afflige une grande partie de la population haïtienne », a souligné Mme Salvador, qui est aussi la Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH).

Selon les données recueillies par la Police nationale d’Haïti et par le BINUH, au cours du premier trimestre 2022, 692 incidents criminels – définis comme des homicides, des viols, des enlèvements et des lynchages – ont été signalés. Au cours de la même période en 2023, le nombre d’incidents criminels enregistrés a plus que doublé pour atteindre 1.647. Le mois dernier a montré les taux d’incidents les plus élevés depuis 2005.

Une force de police en sous-effectif et mal équipée

Face à des gangs armés de plus en plus violents qui se disputent le contrôle des quartiers de la capitale, avec une présence policière limitée ou inexistante, certains habitants ont commencé à prendre les choses en main.

L’envoyée de l’ONU a observé que la Police nationale d’Haïti est en sous-effectif et mal équipée pour lutter contre la violence et la criminalité. À peine 3.500 policiers sont en service de sécurité publique à tout moment, dans tout le pays. Entre-temps, le recrutement de nouveaux policiers a été interrompu en raison de la détérioration des contraintes sécuritaires et logistiques.

« La police nationale a réussi à monter des opérations anti-gang efficaces, mais la préservation de ces gains de sécurité n’est que momentanée. On ne saurait trop insister sur la nécessité d’un soutien international urgent à la police pour faire face à la détérioration rapide de la situation sécuritaire », a dit Mme Salvador.

Selon elle, au-delà du soutien immédiat dont la police nationale a besoin, « il est urgent de progresser vers une solution nationale à l’impasse politique de longue date » afin de « rétablir une sécurité durable, ainsi que la stabilité sociale et économique ».

S’agissant de la situation des droits de l’homme, elle a souligné que les personnes vivant dans des zones contrôlées par des gangs « sont exposées au taux le plus élevé d’atteintes aux droits humains ». Des entretiens menés par le BINUH indiquent que les gangs continuent d’utiliser la violence sexuelle, y compris le viol à plusieurs auteurs, pour terroriser et infliger des souffrances aux populations vivant dans les zones sous le contrôle de leurs rivaux. D’autres formes de violence sexuelle, telles que l’exploitation sexuelle, ont également été signalées comme étant utilisées par des gangs contre des femmes et des filles vivant dans des communautés sous leur influence.

« Les enfants sont parmi les victimes des crimes les plus odieux, notamment les meurtres, les enlèvements et les viols. Au cours des trois derniers mois, des écoliers ont été touchés par des balles alors qu’ils étaient assis dans leurs salles de classe et enlevés alors qu’ils étaient déposés à l’école. En outre, de nombreuses écoles ont fermé à la fin de l’année dernière en raison de la violence et de l’extorsion par les gangs. Malgré la plupart des réouvertures au début de 2023, de nombreux enfants ne sont pas retournés en classe en raison de violences à proximité de l’école ou dans leur quartier, ou de l’incapacité de leurs familles à payer les frais de scolarité », a dit Mme Salvador.

Lutter contre l’impunité

L’envoyée de l’ONU a jugé essentiel que les crimes de violence sexuelle commis par des gangs armés « ne restent pas impunis et que les auteurs de violences sexuelles soient traduits en justice ».

Elle a rappelé que près de la moitié de la population –5,2 millions de personnes – a besoin d’aide humanitaire. Le nombre de déplacements internes a augmenté de 50% dans la commune de Port-au-Prince par rapport à novembre 2022. Environ 39.000 cas suspects de choléra ont été signalés depuis la réapparition de l’épidémie en octobre dernier. « Les Nations Unies et ses partenaires humanitaires restent sur le terrain et fournissent des services essentiels », a insisté l’envoyée de l’ONU.

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